Des oligarques défient le Kremlin en s'opposant à l'alliance entre Rosneft et BP

L'offensive de charme des dirigeants russes vantant à Davos le climat « investor friendly » de leurs pays a été quelque peu émoussée par une information venue souligner les complexités byzantines du business pétrolier dans la Fédération. Les actionnaires russes de TNK-BP, la coentreprise de BP en Russie, ont en effet déposé une plainte à Londres pour demander la suspension du spectaculaire partenariat récemment noué entre la major britannique et la compagnie publique russe Rosneft, qui prévoit une exploration conjointe de zones Arctiques et un échange de participations. Les trois milliardaires russes qui détiennent 50 % de TNK-BP, regroupé au sein de la structure AAR, estiment que l'opération enfreint l'engagement pris par BP de conduire tous ses projets en Russie dans le cadre de leur coentreprise. L'affaire doit être examinée mardi prochain. Interrogé sur le sujet à Davos, le directeur général de BP, Bob Dudley, a souligné que le partenariat avec Rosneft se concentrerait sur l'offhsore, contrairement à l'onshore développé par TNK BP et qu'il restait « déterminé à respecter (les) accords ». Mauvais souvenirsEn Bourse, le titre BP a mal réagi à l'information, perdant jusqu'à 2 % en séance. Car TNK-BP reste l'un des joyaux du groupe, qui représente un quart de sa production et un cinquième de ses réserves. De plus, la perspective d'un nouveau bras de fer rappelle de mauvais souvenirs. En 2008, l'intense conflit opposant les oligarques à BP pour le contrôle opérationnel de la filiale avait abouti à l'expulsion de celui qui la dirigeait alors, Bob Dudley, devenu depuis directeur général du groupe et à l'origine du deal avec Rosneft. À l'époque, le Kremlin avait officiellement affiché sa neutralité. Mais les moyens employés au cours de ce pugilat à l'issue duquel les milliardaires russes ont repris la main sur leur filiale (contrôles fiscaux, non-renouvellement de visas...) a fait planer le doute sur cette impartialité. Aujourd'hui, les actionnaires russes, avec leur plainte, prennent le risque de défier le Kremlin. Rosneft, entreprise publique qui a prospéré en reprenant les actifs de feu Ioukos, est présidée par Igor Sechin, vice-premier russe et proche du premier ministre de Vladimir Poutine. Jusqu'où ira cette plainte, jugée à Londres ? Impossible évidemment de le savoir. D'autant que l'un des trois oligarques, Mickaïl Fridman, expert chevronné des arcanes du business russe, pourrait se servir de ce sujet comme levier sur d'autres dossiers, comme la privatisation de la banque de Moscou, à laquelle il veut participer. Mais à l'évidence, BP, en pleine convalescence, n'a vraiment pas besoin de nouvelles perturbations interminables au sein de sa filiale. Lors de l'annonce du partenariat Rosneft-BP, Vladimir Poutine, interrogé sur la pertinence d'associer la major responsable de la pire marée noire de l'histoire des États-Unis à l'exploration de zones fragiles écologiquement, avait jugé « qu'un homme averti en vaut deux ». En signant avec Rosneft, Bob Dudley, expulsé de Russie il y a peine deux ans, savait lui aussi où il s'aventurait.
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