Au coeur des montagnes Jaunes

À une heure de vol de Shanghai, le gigantesque aéroport des montagnes Jaunes, au coeur de la province de l'Anhui, prouve le succès touristique du Huang Shan. Ces 72 pics baignés de nuages sont les sommets les plus peints - et photographiés de Chine. Selon la légende, ce « paradis céleste » d'une beauté sidérante a servi d'abri à l'empereur Huang Di, l'ancêtre de la nation chinoise, en quête d'immortalité. À l'époque Ming, le géologue Xu Xiake, qui accéda par deux fois à leurs sommets, résuma d'un trait leur puissance : « Qui a vu les cinq monts sacrés n'a nulle envie de connaître les autres cimes ; qui a vu le Huang Shan n'éprouve plus aucun plaisir à regarder les quatre autres montagnes sacrées. »Aujourd'hui, les touristes accèdent aux monts Huang Shan en téléphérique. Heureusement, à leurs pieds, de charmants villages, autrefois enrichis par le commerce de l'encre et de la pierre à encre, conservent leur grâce d'aquarelle.En 2004, Julien Minet, Français vivant à Nankin, découvrit avec son ami le peintre Tuang Cho, le village de Zhaji. Ici, rien ne semble avoir changé depuis l'époque impériale des Ming. Traînant difficilement sa valise sur les grosses dalles branlantes du village de Zhaji, on pénètre dans la Maison du maître des thés, qui accueille trois chambres d'hôtes, par un porche-lune. Depuis la terrasse, dans la brume de l'aube, le regard balaie une forêt de tuiles recourbées, nervurées par des faîtes en têtes de dragon. Tôt le matin, les femmes lavent leur linge dans l'eau vive. Dans son échoppe, le fabricant de pinceaux Zha Riwang fixe quelques poils de moustache de souris à un manche en bambou. Des vieillards surveillent des gamins, dont les parents s'échinent à Shanghai ou à Pékin, et qui jouent au cerf-volant autour des rizières ponctuées de buffles d'eau et de meules de paille. Non classé au patrimoine de l'Unesco, Zhaji a gardé son calme et sauvé son âme, à la différence de sa voisine Hongcun, 350 habitants et... quelques dizaines de millions de visiteurs qui, chaque année, veulent franchir le pont rendu célèbre par « Tigre et Dragon » d'Ang Lee. Cette Venise miniature, fondée en 1131, aligne autour du bassin de la Lune les demeures des riches marchands de soie, comme celle de « Million Lu », avec salle d'études pour les enfants, chambres pour épouses et concubines et lit à opium à l'étage. Envahie par les touristes, on lui préfère, à 300 kilomètres de Hangzhou, le hameau de Bishan. C'est ici qu'une artiste de Shanghai, Lily, reçoit dans une vaste maison Ming qu'elle a sauvée de la démolition. Attristée par la modernisation de Shanghai à coups de bulldozers, la poétesse a décoré la salle à manger et la poignée de chambres d'hôtes d'antiquités, de céramiques, de lampes en papier de riz. Moulée dans une robe fendue, bras nus malgré le froid, la jolie Lily reçoit Juliette Binoche comme les intellectuels du pays, invite les paysans du village à donner des représentations d'opéra chinois. Dans le jardin, les anciennes affiches des gardes de la Révolution culturelle mettent en scène un paysan à cheval galopant vers un nouveau monde d'usines et de tours. La nouvelle Chine ? Lily, la nostalgique n'en a cure. Elle y oppose sa délicieuse maison, baptisée Zhulan Jiouba, « le paradis des cochons », de placides animaux vivant en accord avec les saisons.
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