« L'Allemagne a fait des choix courageux et efficaces »

Par latribune.fr  |   |  991  mots
Comment voyez-vous la conjoncture actuellement??Globalement, nous avons touché le point bas en volumes au premier trimestre et notre activité a retrouvé une tendance favorable. Deux de nos gros moteurs de croissance, les États-Unis et le Brésil, sont bien repartis. L'Asie va bien aussi. Reste l'Europe où la conjoncture domestique est moins bonne, mais qui constitue aussi pour Vallourec une base d'exportation.La chute de l'euro est donc une bonne nouvelle??Pour le groupe, oui. Car ce que nous produisons en Europe est en bonne partie exporté. Il faut réaliser que l'euro a dévalué de près de 20 %. Avant la création de l'euro, une dévaluation de 20 % était qualifiée de dévaluation compétitive?! Cette dévaluation était nécessaire?: à 1,50 dollar pour 1 euro, l'industrie européenne était sur une trajectoire de suicide collectif.Vous travaillez beaucoup pour les pétroliers. Quel pourrait être l'impact de la marée noire du golfe du Mexique??À court terme, tant que la fuite n'est pas colmatée, les conséquences sont difficiles à analyser. Cet accident est terrible, sur le plan humain et environnemental. À moyen terme, il se traduira sans doute par un durcissement des réglementations et un renforcement des dispositifs de sécurité. Cela devrait conduire nos clients à relever leurs spécifications techniques et entraîner le marché vers une demande plus premium, avec une prime plus importante attachée aux références techniques et à la technologie. Ceci devrait donc être plutôt favorable à des acteurs comme Vallourec qui ont une longue expérience, de très solides références et un fort axe de recherche-développement.Le président Obama vient de visiter le chantier de votre usine de tubes dédiée aux gaz non conventionnels. Pourquoi??Parce que nous investissons un montant important - 650 millions de dollars - dans une région plutôt sinistrée [Ndlr : l'Ohio] C'est aussi un État qui lui est cher. Il est venu prononcer un discours de politique économique et mettre en valeur l'efficacité de son plan de relance. Du côté de Vallourec, cette visite nous honore. Elle accentue notre côté « américain aux États-Unis ». Ce qui est important car nous opérons dans une industrie où le nationalisme joue une part importante.Qu'avez-vous changé depuis votre arrivée chez Vallourec??Je suis arrivé à un moment où le marché s'effondrait et ma priorité a été de rendre le groupe plus mobile et plus flexible. J'ai donc supprimé un échelon hiérarchique et raccourci la structure pour améliorer l'efficacité opérationnelle. Nous avons, avec le directoire, décidé de rendre le comité exécutif plus international, avec un Allemand et deux Brésiliens. J'ai réuni au sein d'une seule direction, représentée au comité exécutif, les différentes composantes de l'entreprise travaillant pour le développement technologique, la recherche et l'innovation. D'une façon générale, j'ai cherché à clarifier la stratégie de développement pour dégager des axes forts et simples?: être plus global et plus local, y compris industriellement?; être plus compétitif, c'est-à-dire flexible à court terme et avec une base de coûts structurellement plus basse?; enfin accroître encore notre positionnement premium.Est-ce une menace pour vos sites européens? ?Entre 2005 et 2008, nous avons beaucoup investi dans nos usines en Europe. Ces sites restent importants dans notre stratégie et nous les orientons vers le haut de gamme, les petites séries, les services à valeur ajoutée, les commandes à délais courts. Autant de prestations sur lesquelles la compétitivité des coûts n'est pas le seul facteur déterminant. Ainsi les produits destinés au forage sous-marin en eaux très profondes sont mis au point en France ou en Allemagne. Nous sommes aussi présents en Europe sur des produits de niche importants que nous ne déplacerons pas, comme le nucléaire. Nous investissons actuellement sur ce marché pour tripler la capacité du site de Montbard en Bourgogne. Vous avez autant de salariés en France qu'en Allemagne. Comment analysez-vous les réponses apportées par ces deux pays à la crise??L'Allemagne a d'abord cherché à défendre son industrie, alors que la France a choisi de défendre son économie tous secteurs confondus. Le dispositif de chômage partiel mis en place par les Allemands a par exemple été conçu pour sauvegarder les capacités de leur industrie dans la perspective d'un bas de cycle long. C'était faire le pari que l'on sortirait de la crise par le haut?: et c'est bien ce qui est en train de se passer, nous le voyons avec le redémarrage des commandes de nos clients allemands exportateurs. De même, la part que l'Allemagne consacre à la R&D a progressé depuis cinq ans, alors qu'elle a baissé en France. Je pense que nous aurions intérêt à nous inspirer davantage du modèle industriel allemand. En France, le discours sur l'industrie a changé, et c'est tant mieux. Mais il manque souvent les actes. Lorsque sont prises les décisions de politique générale, on n'intègre pas autant qu'il le faudrait le point de vue des industriels et la perspective des retombées de l'activité industrielle.La taxe professionnelle a été supprimée...Il a fallu attendre vingt ans?! Pour revenir à l'Allemagne, on entend souvent dire que, depuis cinq ans, les salaires y auraient moins progressé qu'en France. Si je compare les évolutions salariales chez Vallourec, je ne vois pas de différence. Ce qui a baissé en Allemagne ces dernières années, ce sont les charges sociales, et donc le coût du travail.Au prix d'une moindre protection sociale...Non. Cette baisse a été compensée par une hausse de la TVA. L'Allemagne a, en quelque sorte, instauré une TVA sociale. C'est un arbitrage inspiré par un souci de compétitivité internationale. C'est un choix clair, courageux et efficace.