Presstalis à terre, les Messageries lyonnaises en embuscade

La presse avait-elle vraiment besoin de cela ? Voici qu\'une terrible épée de Damoclès menace de lui tomber sur la tête fin juillet : la cessation de paiement de Presstalis. On savait le distributeur de presse, anciennement NMPP, en mauvaise situation financière, mais de là à imaginer le pire... Les conséquences d\'un « défaut » du premier distributeur de presse français seraient catastrophiques en frappant durement un secteur dont les revenus continuent, malgré l\'essor du numérique, de dépendre essentiellement du papier. Rares sont en effet les éditeurs dont la part du chiffre d\'affaires provenant du numérique dépasse 10%.Chaque jour compte. Ce lourd dossier est bien sûr sur le bureau de la ministre de la communication ,Aurélie Filipetti dès cette semaine, mais aussi sur celui d\'Arnaud Montebourg et de David Kessler qui suit le dossier pour l\'Elysée. Au delà du redressement financier de Presstalis, c\'est de la remise à plat du système français de distribution de la presse qu\'il s\'agit. Un rapport doit être remis au gouvernement début juillet par le médiateur du crédit, Gérard Rameix. Il devra proposer des pistes pour un vaste plan de restructuration pour Presstalis, condition préalable à une augmentation de capital . A la faveur de cette recomposition, le challenger de Presstalis, les Messageries de presse lyonnaises (MLP), entend bien jouer sa carte et rééquilibrer le dispositif en sa faveur.En 2000, les MLP ont décroché Marianne, Le nouveau Détective et Nous DeuxC\'est que le petit concurrent, né avant les NMPP en 1946, est devenu grand. Simple distributeur régional, cette messagerie coopérative, comme son concurrent, se décide à passer au niveau national en 1991, stratégie qu\'accélère son nouveau président d\'alors, Jean-Claude Cochi, qui lui apporte la distribution de son premier magazine « chaud »,  l\'hebdomadaire Point de Vue. Plusiers éditeurs, séduits par une organisation plus petite, plus dynamique et des prix plus attractifs vont progressivement quitter le giron des NMPP et rejoindre les MLP. En 2000, c\'est notamment l\'arrivée de trois grands hebdomadaires : Marianne, le Nouveau Détective, Nous Deux, suivis quelques années plus tard par Rustica et l\'Argus de l\'automobile. Aujourd\'hui, les MLP revendiquent un tiers du marché des magazines.  Un développement qui s\'est inscrit dans un spectaculaire mouvement de concentration. En vingt ans, on est passé de 3 000 grossistes - des dépositaires qui sont parfois de simples maisons de la presse -  à... 148 et le secteur s\'accorde sur le chiffre cible de 100 à 105 grossistes d\'ici deux ans pour maintenir un bon service. Une plus grande maîtrise de ce niveau intermédiaire du réseau, appelé le niveau 2 (le niveau 3 étant celui des détaillants, les « diffuseurs ») est clé pour les MLP. Aujourd\'hui, Presstalis n\'en maîtrise que la moitié, le reste se répartissant entre les MLP, qui a commencé à faire l\'acquisition de dépôts il y a quatre ans, et les indépendants dont certains cherchent à vendre et mettent en concurrence les deux messageries.Les ventes de presse ont réculé de 20% en quatre ansUn groupe de travail, qui rassemble quelques éditeurs, les MLP et Presstalis est à pied d\'œuvre depuis deux mois. Il va devoir faire preuve de beaucoup d\'imagination. Pour redresser la situation, le secteur ne peut compter sur des recettes en hausse. Les ventes de la presse continuent inexorablement de baisser : moins 20% ces quatre dernières années et moins 25% prévus sur les quatre prochaines années, selon Jean-Claude Cochi. Les recettes des distributeurs, qui sont proportionnelles, baissent à tous les niveaux du réseaux et touchent non seulement les messageries, mais les marchands de journaux qui ferment les uns après les autres. C\'est donc sur les coûts qu\'il faut jouer. Il n\'y a que peu de marges de manœuvre sur ceux des grossistes et marchand de journaux. C\'est donc sur les coûts de fonctionnement des messageries elles-mêmes, le « niveau 1 », qu\'il va falloir trancher. Et dans ce domaine, les MLP ont de l\'avance. Elles fonctionnent avec un peu plus de 600 personnes pour un chiffre d\'affaires de 650 millions et sont bénéficiaires (plus de 12 millions en 2011, dont 9 distribués en dividendes aux éditeurs), à comparer à Presstalis qui compte quatre fois plus de personnel pour un chiffre d\'affaires double... et des pertes. Les conclusions du rapport Rameix risquent d\'être brutales ; la recapitalisation de Presstalis ne se fera qu\'à la condition d\'un plan social massif, évalué par certains observateurs à environ un millier de personnes. A cette occasion, l\'ensemble du dispositif devra être remis à plat et les MLP pourraient se voir attribuer d\'autres dépositaires et faire enfin leur entrée sur le marché de la distribution des quotidiens. L\'enjeu est donc majeur pour l\'avenir de MLP. C\'est ce moment que choisit la presse suisse pour ressortir une affaire vieille de deux ans, qui met en cause son président Jean-Claude Cochi, désormais éditeur d\'Entrevue et Choc, les magazines créés par Gérard Ponson. Jean-Claude Cochi est accusé par une des ex-femmes de Jimmy Goldsmith d\'avoir détournée une partie de la fortune du magnat pour se faire construire un chalet somptueux en Suisse. Dans un mail à ses salariés, celui explique qu\'il s\'agit d\'une affaire qui n\'a « aucun rapport avec ses activités d\'éditeur » et qu\'il « collabore avec la justice suisse afin de permettre la conclusion de cette affaire dans les meilleurs délais ». Il insiste par ailleurs sur le fait que cette plainte « ne remet aucunement en cause ses mandats et ses fonctions au sein des MLP ». Reste que la publicité donnée actuellement à cette plainte risque d\'affaiblir son président à un moment décisif pour l\'avenir de sa coopérative. Et de la distribution de la presse en France.
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