Jean-Claude Marin, l'homme qui n'hésite pas à relancer l'affaire Clearstream

Après le jugement relaxant Dominique de Villepin, la réaction du parquet ne s'est pas fait attendre. Alors que le procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris, Jean-Claude Marin, disposait de dix jours pour interjeter appel, il a annoncé sa décision de le faire seulement vingt-quatre heures après au micro d'Europe 1. Il est exceptionnel qu'un procureur accepte d'être l'invité d'un média pour s'exprimer sur un dossier précis. Le plus souvent, l'information est donnée via le magistrat du parquet en charge des relations avec la presse. « Tout n'a pas été dit dans cette affaire. Il y a la place encore pour faire émerger une part de vérit頻, a-t-il expliqué.Ce haut magistrat s'est personnellement impliqué dans le dossier. C'est lui qui, dans les réquisitions du parquet, a sollicité la requalification de certains faits pour que soit reconnu à l'encontre de Dominique de Villepin le motif de complicité par abstention (d'avoir transmis à la justice des faits dont il avait connaissance). Pour le tribunal de grande instance, la preuve de cette abstention n'a pas été apportée au cours du procès. « Il n'y a pas de personnalisation dans ce dossier. »Jean-Claude Marin n'avait pas non plus hésité à être présent à l'audience pour faire lui-même le réquisitoire à l'encontre de l'ancien Premier ministre. Or il est rare que le procureur de Paris intervienne directement à l'audience. Jean-Claude Marin avait en revanche laissé au vice-procureur, Romain Victor, les réquisitoires pour les autres prévenus (Jean-Louis Gergorin, Imad Lahoud, Florian Bourges et Denis Robert).Est-ce de l'acharnement contre l'ancien ministre ? Le procureur s'en défend sur Europe 1 : « Il n'y a pas de personnalisation dans ce dossier. C'est l'affaire Clearstream. » Il ne cache toutefois pas sa conviction de la culpabilité de l'ancien Premier ministre. Mais ne veut pas se trouver embarqué sur le terrain politique dans la rivalité entre Nicolas Sarkozy et l'ancien Premier ministre, l'un des axes de défense de Dominique de Villepin qui voit dans cet appel "une décision de nature politique" .» Selon l'ancien Premier ministre, cela prouve le choix du chef de l'État de « persévérer dans son acharnement » et dans « sa haine ».Le procureur Marin affirme avoir pris la décision de son propre chef et n'avoir reçu aucune instruction écrite et motivée de la chancellerie. Mais, dans l'esprit général, toute suspicion ne serait pas totalement levée en raison du lien hiérarchique du parquet avec le pourvoi exécutif.Un habitué des dossiers politico-financiers« Ce qui me gêne, encore une fois, c'est que, comme d'habitude, les suspicions sont généralisées sur les décisions prises par le parquet, parce qu'il est dépendant du pouvoir politique », a regretté à l'AFP Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), réitérant sa demande de supprimer ce lien hiérarchique à l'occasion de la future réforme de la procédure pénale.La suspicion est d'autant plus présente que le poste du procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris est fortement exposé en raison des affaires sensibles qui y sont traitées. Au sein du milieu judiciaire, il est de notoriété publique que la nomination à ce poste est stratégique pour l'évolution de carrière d'un magistrat du parquet. Jean-Claude Marin connaît parfaitement les risques liés à ce poste. Avant d'être procureur de la République de Paris en 2004, il avait été chef de la section financière de ce parquet en 1988. Il est donc rodé à la complexité juridique des dossiers politico-financiers. Et après un passage à la Cour de cassation, il est devenu en août 2002 directeur des affaires criminelles et des grâces Place Vendôme. Ce haut magistrat connaît ainsi très bien les arcanes du pouvoir politique. Ses arguments juridiques seront-ils entendus en appel ? L'arrêt de la cour d'appel de Paris devrait être rendu avant l'élection présidentielle de 2012.
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