«La SEIN est l’ancêtre d’OSEO, de BPI et de l’INPI»

Créée il y a plus de deux siècles, la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale continue à soutenir l’innovation et les talents émergeants et ambitionne de créer d’autres sociétés à l’étranger.
Valérie Abrial
Olivier Mousson, président de la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale - Photo SEIN

Depuis qu'il préside la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale, Olivier Mousson a su lui insuffler un vrai coup de jeune. Et pourtant, l'association créée en 1801 n'a jamais failli a ses fonctions premières : soutenir le développement industriel français et valoriser l'innovation technologique, thèmes plus que jamais d'actualité. En deux siècles, la SEIN peut se targuer d'être experte en « premières » ! A commencer par son statut ; elle est en effet le premier établissement à être reconnu d'utilité publique en 1824 ; elle est aussi la plus ancienne association française qui n'aie jamais connu d'interruption dans ses activités. Première également à faire fonctionner au début du XIXe siècle, son hôtel particulier de la place Saint-Germain-des-Prés à l'électricité et à y expérimenter le chauffage à air propulsé et à la vapeur. C'est à cet endroit même que les frères Lumière projetteront des photographies animées pour la première fois en 1895, invention à l'origine de l'industrie du cinéma. Des premières et des lancements, la SEIN en collectionne à la pelle, elle qui pendant des années a présenté en son cercle les innovations qui ont marqué l'histoire de l'industrie.

Un patrimoine caché

Véritable lieu de mémoires, la SEIN garde en ses archives les projets de plus de 2000 inventeurs et pas des moindres, parmi eux : Louis Pasteur, Pierre et Marie Curie, Becquerel, Jacquart, Lalique, Bréguet, Niepce, Christofle... A tel point que sa bibliothèque qui renferme de véritables trésors nationaux est très prisée par les chercheurs et historiens du monde entier. «Au XIXe siècle, la Société d'encouragement jouait le rôle de l'INPI. C'était l'un des deux endroits où l'on pouvait déposer des brevets, l'autre étant l'Académie des Sciences. Il m'arrive encore d'ouvrir des enveloppes Soleau, car elles ont une durée de vie d'un siècle. J'ai par exemple ouvert une enveloppe qui contenait un brevet déposé en 1910 par une société de radiologie ; c'était la première fois qu'était déposé un brevet sur le nucléaire en tant qu'arme potentielle. D'un point de vue historique ce sont des découvertes considérables», raconte Olivier Mousson. Cette incroyable bibliothèque conserve tous les bulletins répertoriant les inventions reçues et souvent présentées à l'Hôtel de l'Industrie. Du métier à tisser, en passant par des procédés de conservation alimentaire, des produits chimiques, des appareils photos, des outillages, tout ce qui contribuait aux prémices du développement industriel passait par la SEIN. Et des surprises, il y en eu plus d'une. Vous pensiez qu'Edison, avec son phonographe, était l'inventeur du son enregistré ? Et bien, il faut remonter presque vingt ans plut tôt et découvrir le brevet et le phonautographe d'Edouard-Léon Scott de Martinville pour s'apercevoir que son enregistrement d'Au Clair de la Lune en 1860 est le plus ancien enregistrement d'une voix humaine. «On a même reçu des chercheurs américains en quête de la voix d'Abraham Lincoln, car c'est ici qu'ont eu lieu les premiers enregistrements de voix».

Un réseau inestimable

Et des expériences, il y en a eu à la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale. Des prix prestigieux récompensaient inventeurs et entrepreneurs ; certains contre une dotation financière, car il fut un temps où la SEIN bénéficiait d'argent public, de dotations et de mécénat. «Il existait un prix en particulier, donné tous les trois ans, qui équivalait à un million d'euros. Il y avait un effet de levier incontestable. D'une certaine manière, la SEIN est l'ancêtre d'OSEO et de la BPI», poursuit Olivier Mousson. Aujourd'hui, seuls les prix Chaptal et Mongolfier perdurent sous forme de titre honorifique. Le premier honore les grandes réussites industrielles et les avancées technologiques majeures. S'y sont succédés un certain nombre de personnalités du monde de l'industrie comme François Michelin, Pierre Fabre, Serge Dassault, Thierry Peugeot, Patrick Ricard, Jean-Claude Decaux, Alain Afflelou, Andrée Putman, Yves Rocher, Jacques Maillot, Odile Jacob, Agnès B, Georges Charpac, Xavier Emmanuelli, Christophe Bonduelle, ou encore Serge Eyrolles. Le second prix, les Mongolfier, met un point d'honneur à mettre en lumière les talents émergeants qui contribuent aux grandes mutations technologiques et économiques. Cette année, parmi les récompensés ont trouve Tristan Lecomte, dirigeant de Pur Projet, pionnier du commerce équitable en France, Bruno Maisonnier, Pdg d'Aldebaran créateur de Nao le robot bienveillant, ou encore Eric et Nicolas Altmayer producteurs de cinéma et créateurs de Mandarin Cinéma. «Aujourd'hui, nous souhaitons aller plus loin, poursuit Olivier Mousson. Nous sommes en train de mettre en place le prix des jeunes pousses et des start-up, et cette fois-ci il y aura une récompense monétaire à la clé ». Car si les cercles d'influence et les réseaux sont essentiels à l'entrepreneuriat naissant, les fonds budgétaires le sont tout autant. Et pour participer plus activement à cette forme de soutien, la SEIN développe les moyens utiles.

Ambassadrice de l'industrie française

La SEIN privatise de plus en plus ses prestigieux espaces de la place Saint-Germain des Prés et accorde une concession au groupe Costes pour le sélect restaurant La Société, l'un des plus en vue des happy fews. «Cela nous permet de poursuivre nos activités de diffusion, d'organiser des ateliers de design ou encore des conférences avec les grandes écoles comme HEC, le CNAM ou encore l'Ecole Centrale. Tous les deux mois, nous organisons les petits-déjeuners de l'innovation. Nous participons activement au développement de Sociétés d'encouragement à l'étranger. Nous nous plaçons de plus en plus comme l'Ambassadeur de l'Industrie française. Nous souhaitons avant tout promouvoir les talents qui contribuent au progrès et au bien-être de notre pays ». En mars 2015, pendant la semaine de l'industrie, la SEIN présentera dans ses locaux rénovés, une exposition photographique qui donnera à voir un autre regard sur l'industrie. Car au final, surprendre est sans doute l'activité que cette Société bicentenaire préfère. Une activité sur laquelle le temps n'a pas de prise et laisse intact les désirs de progrès liés au mieux-vivre ensemble. Un tempo de plus en plus dans l'air du temps.

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La Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale est constituée de 8 comités : Arts numériques, Arts chimiques, Arts économiques, Agriculture et industries agro-alimentaires, Commerce, transports, tourisme, outremer, Construction et beaux-arts appliqués, Arts physiques, Arts de la communication et de la formation. Chaque comité compte une quinzaine de membres, tous entrés par cooptation. La Société a pour mission de faire connaître et valoriser les productions françaises dans le monde, constituer des réseaux de compétences au service de l'industrie, prendre en compte les évolutions géopolitiques dans la stratégie industrielle, transmettre les connaissances et savoir-faire. Outre ses actions dans la protection des brevets, le lancement de grandes inventions, la création de grandes écoles, elle a aussi contribué à la protection des enfants travaillant dans les manufactures, l'aide à l'emploi des handicapés ou encore la création de fonds de chômage. Sur bien des points, la SEIN a été pionnière.

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Conseiller à la Cour des Comptes, Olivier Mousson est président de la SEIN depuis 2011. Economiste de formation, et après un passage dans le monde de l'entreprise, il enseigne à HEC, Polytechnique, l'ENA, l'IEP, expérience qui le mènera dans des cabinets ministériels auprès de Valéry Giscard-d'Estaing, François Léotard ou encore Gérard Longuet. Passionné par l'art contemporain, Olivier Mousson est également trésorier du Jeu de Paume.

 

Valérie Abrial

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