Le Marketing de l'Art vu de New York

Blue Medium est l'une des agences new-yorkaises de marketing et de communication les plus reconnues dans le domaine de l'art contemporain et de l'architecture. Depuis dix ans, l'entreprise a travaillé avec des clients prestigieux sur tous les continents du monde, depuis le pavillon américain de la biennale de Venise à l'architecte Steven Holl en passant par la Fondation Judd, Takashi Murakami et son studio Kaikai Kiki, le Conseil des Arts du Massachusetts Institute of Technology, le Palazzo Grassi, le Festival des Arts de Reykjavík, la galerie Arario à Pékin et Séoul, l'agence d'architecture Olson Kundig à Seattle ou le pavillon américain à la biennale de Dakar. Geoffroy de Francony a rencontré à New York Antoine Vigne qui en est le vice-président.

Des institutions, artistes et marchands reconnus utilisent vos services. Est-il devenu incontournable de communiquer dans le monde de l?art ?

Antoine Vigne : Pas nécessairement. Il est vrai que le monde de l?art, et en particulier celui de l?art contemporain, s?est beaucoup développé ces dernières années et que cela a conduit à des stratégies assez élaborées de la part des institutions muséales comme des galeries, mais la communication reste une activité chère et nombre d?acteurs ne peuvent se permettre d?embaucher une agence comme la nôtre. Il est aussi important de noter que la communication ne peut fonctionner qu?en symbiose avec des programmes suffisamment développés et que l?on ne peut pas communiquer sur tout à tout moment. Mais l?un des impératifs, notamment pour les musées américains, est celui de la visibilité pour accompagner leurs campagnes de levées de fonds, et c?est pourquoi nos activités sont souvent liées à des problématiques plus vastes que celles de la simple couverture presse.

Pour ce qui est des galeries, très peu d?entre elles travaillaient avec des agences jusqu?assez récemment, mais cela a changé, notamment parce que le marché de l?art s?est considérablement transformé. Là encore, nos activités ne relèvent pas uniquement de la communication mais s?étendent à la mise en contact avec les collectionneurs ou professionnels influents, le conseil sur la stratégie à adopter vis-à-vis des foires auxquelles les galeries pourraient participer et bien d?autres aspects.

L?essentiel de nos clients appartiennent malgré tout au monde non commercial, et les stratégies que nous développons pour nos clients s?organisent autour du long terme. C?est le cas, par exemple, de ce que nous faisons avec SCAD, le Savannah College of Art and Design, qui possède aujourd?hui un campus à Lacoste, dans le Vaucluse. Leur programme d?exposition est extrêmement pointu et il permet à de jeunes artistes d?exposer aux côtés de grands noms. Nous les accompagnons dans la promotion de ces programmes.

Pour ce qui est du marché de l?art, le nerf de la guerre n?est-il pas, bien souvent, une question de lobbying, de communication, de réseaux qui permettent de valider les artistes représentés par une galerie ?

A.V : Oui et non. Il est évident que, dans le monde actuel et avec l?attention médiatique dont a fait l?objet le monde de l?art, certains artistes se voient catapultés sur le devant de la scène en un ou deux ans. Des galeries comme celles de Larry Gagosian ou de David Zwirner à New York construisent de manière très agressive les carrières de leurs artistes et elles offrent des perspectives exceptionnelles aux heureux élus qui joignent leurs rangs. Mais la carrière d?un artiste n?est pas un objet dont on joue et sur laquelle on peut spéculer. Les grands collectionneurs sont toujours passionnés et ils dépensent beaucoup plus qu?ils n?en gagnent, achetant des dizaines d??uvres mineures pour chaque ?uvre majeure qu?ils exposeront ensuite dans leur musée privé.

Et puis le monde de l?art ne se limite pas aux quelques grandes galeries de New York, Londres, Paris ou Los Angeles. Beaucoup d?autres galeries travaillent dans l?ombre et avec patience, et leur longévité est souvent le signe de leur engagement qui se traduit toujours par une forme de reconnaissance. Certaines grandes galeries ont aussi construit leur réputation sur la constance de leurs choix, sur la fidélité qu?ils témoignent à leurs artistes ? comme par exemple la galerie Luhring Augustine-, et là encore, on ne peut pas parler de lobbying ou de spéculation. Le rôle d?une galerie est bien d?accompagner la carrière de ses artistes, de leur présenter des conservateurs et des collectionneurs, de faire naître des occasions et des commissions d??uvres. Lorsque nous travaillons avec des galeries, nous participons à cette réflexion et nous tentons d?utiliser notre réseau pour développer de nouveaux projets.

Takashi Murakami a fait appel à vos services. Certain types d?artistes sont ils par définition plus « marketing » que d?autres ?

A.V : Nous avons travaillé avec Takashi Murakami et son studio depuis plus de cinq ans. Au début, les choses étaient extrêmement différentes. Le marché n?avait pas encore connu l?emballement qu?il a connu en 2007 et 2008. Takashi est un artiste fascinant, et sa démarche inclut, bien évidemment, un aspect très commercial et entrepreneurial. Elle est au c?ur de la production de son ?uvre, des projets qu?il a menés, des foires pour jeunes artistes qu?il organise et jusque dans ses collaborations avec Louis Vuitton ou certaines stars comme Kanye West. Mais c?est un cas rare et unique, et Takashi a une vision que personne ne peut entrevoir ou imiter. Je ne crois pas qu?on puisse le regarder comme le type de l?artiste ?marketing?, que j?entends comme un label dérogatoire.

Des artistes peuvent ils percer sans la caution du monde de l?art new-yorkais ?

A.V : Bien évidemment et heureusement. Le monde de l?art new-yorkais reste un fantasme pour beaucoup mais les exemples ne manquent pas d?artistes dont la carrière a évolué pendant très longtemps en dehors des grands centres culturels. L?Islande, par exemple, a une scène artistique extrêmement vivante et agile, dont Ragnar Kjartansson, son représentant à la dernière biennale de Venise, est aujourd?hui l?un des artistes les plus en vues.

À talent égal, quelles sont les raisons pour lesquelles la carrière ou la côte d?un artiste s?envole?

A.V : Il est difficile de parler de talent égal puisque les démarches artistiques sont par définition singulières. C?est là toute la particularité du marché de l?art. Et quant à la côte d?un artiste, c?est quelque chose qui relève du mécanisme des ventes aux enchères. Mais la carrière d?un artiste doit être gérée de manière attentive. Les contacts sont essentiels et ils se construisent sur la durée. Les choix d?expositions et les galeries avec lesquels les artistes s?associent sont aussi essentiels. Ils témoignent du degré de sophistication du contexte dans lequel l?artiste souhaite que ses ?uvres soient vues, et cela a toujours un retentissement sur la perception de son travail.

Les collectionneurs font-ils appel à vos services pour valoriser leurs collections ?

A.V. : Non, cela ne fait pas partie de nos activités. Nous travaillons avec des collectionneurs sur des projets d?exposition de leurs collections, et cela peut avoir une influence sur la manière dont ces collections sont perçues, mais notre but n?est jamais la valorisation financière.

Plus généralement, vos impressions sur le marché en trois mots ?

A.V. : Le marché de l?art se porte plutôt bien. La grande majorité des galeries ont survécu à la crise financière, et les collectionneurs reconnus ont continué d?acheter. Les prix se sont aussi stabilisés, ce qui était sans doute une bonne chose, notamment pour les institutions muséales pour lesquelles l?achat d??uvres contemporaines était devenu difficile. Ce qui reste plus fou, c?est l?avenir des foires. Il y a eu tant de créations de foires à travers le monde qu?on se demande si elles pourront toutes tenir le coup, mais là encore, peut-être serons-nous surpris. Je crois que, dans leur majorité, les galeries sont aujourd?hui sereines.

Artfloor - Galerie et marché de l'art


 

 

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