Bal tragique à l'Elysée : le département est mort

Par Jean-Louis Tourenne, président (PS) du conseil général d'Ille-et-Vilaine.

Engagement de campagne de Nicolas Sarkozy, la mise à sac de l'organisation territoriale française est sur les rails. Décrétés mauvais gestionnaires et accusés de mettre en place des aides en doublon, les élus des conseils régionaux et généraux sont en ligne de mire du fusil élyséen. On appelle à la rescousse les exemples européens, occultant que dans la plupart, il existe quatre assemblées élues au suffrage universel... Une réactualisation du dictionnaire flaubertien des idées reçues s'impose?: côté gouvernemental, on veut faire croire que les politiques (économiques, sociales, environnementales, structurelles...) soutenues par les départements se chevauchent inutilement avec celles des régions ou des intercommunalités, qu'elles sont donc coûteuses tant en financement qu'en instruction.

 

S'il est une chose qui n'a jamais été démontrée, c'est bien celle-ci. Sans doute, les financements croisés (Etat, régions, département, pays, communes...) sont-ils peu lisibles par l'opinion publique et c'est regrettable. Mais l'instruction des projets, sous des angles différents, selon l'acteur public concerné, garantit une certaine cohérence dans l'analyse et contribue à l'exercice de la démocratie. Aujourd'hui, un projet à financer est soumis aux techniciens et élus de la communauté de communes, du département et de la région. Loin de provoquer un doublon, cette méthode permet de croiser les regards et de former un contre-pouvoir dans le sens de l'intérêt général. Comment croire, en effet, qu'un seul interlocuteur puisse décider de tout??

Le président de la république aime à décider seul et sa vision des territoires est à son image: très «centralisatrice», bien plus qu'il n'y paraît. Il suffit de voir comment le gouvernement a abandonné les services publics en milieu rural, sous tous les prétextes, pour s'en rendre compte. M. Sarkozy nous dit?: moins de tribunaux pour une meilleure justice, moins de trésoreries parce que cela ne sert à rien, moins de bureaux de poste parce qu'il faut se moderniser, moins de places en unités de soins de longue durée parce que cela coûte trop cher. C'est ainsi que le gouvernement «déménage» les territoires pendant que les départements tentent de les réaménager pour pérenniser leur dynamique économique et sociale.

Passons sur les motivations politiciennes qui guident le projet gouvernemental?: réduire la visibilité des régions majoritairement à gauche et des départements, particulièrement actifs et innovants. Le président de la commission en charge de cette refonte territoriale, le très polyvalent Edouard Balladur, dont l'expérience de la politique territoriale est pour le moins faible, plaide pour un principe?: une mission, le développement économique par exemple, est assurée par une structure?; à charge pour elle de lever l'impôt. Selon cette règle, séduisante sur le papier, il y a fort à parier que les conseillers généraux seront les grands gestionnaires de la politique sociale.

A eux, donc, de lever l'impôt?? Mais sur quelles bases?? Toutes les prestations sociales relèveront-elles d'eux?? Quid des CAF?? Quid des prélèvements sociaux??

Autre possibilité: les départements nomment en leur sein des conseillers régionaux, c'est un retour à la France d'avant la décentralisation. Dans cette optique, la région lève l'impôt et le département n'est qu'une chambre d'enregistrement. Si analyser, et évaluer les actions de toutes les collectivités (Etat compris), est une piste à suivre, mieux cerner les politiques à la charge des uns et des autres constitue une urgence.

Dans cette optique, le rôle joué par l'Etat ne doit pas être tabou au risque que la commission Balladur se transforme en bal masqué, où nous pourrions prendre un coup de couteau. Depuis les grandes lois de décentralisation des années 80, qui pourrait admettre que le gouvernement impose aux collectivités locales ? même en les consultant poliment ? une réflexion où l'Etat, en tant que financeur des collectivités locales, serait absent??

Sur ce point, rappelons que les transferts de compétences imposés aux départements par l'Etat ne sont pas correctement compensés financièrement. Et cela dans des proportions suffisamment considérables pour que les présidents de conseils généraux de droite, comme de gauche, protestent...

 

Le gouvernement a ensuite beau jeu de montrer du doigt les élus locaux en les accusant d'augmenter la pression fiscale. C'est vrai, tout le monde n'a pas la chance de pouvoir offrir des milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches. La logique sarkozyste de l'organisation territoriale est d'inspiration libérale. C'est celle du Sarkozy candidat qui voulait confier les retraites des Français aux fonds de pension américains et encourager les crédits hypothécaires en France.

Une crise des marchés après, où en sommes-nous?? Il faudra lui demander. Mais sur l'aménagement et la gestion du territoire, le président ne semble pas avoir changé. A ce titre, ses projets doivent être combattus et amendés. Au lieu de monter les élus locaux les uns contre les autres, la France doit se doter ? enfin?! ? d'une organisation territoriale plus efficiente où l'Etat ne pointera plus aux abonnés absents, trop occupé à transférer ses charges et à déménager ses services de proximité?!

Oui à l'idée que chacun se mette autour de la table, mais pas avec un Etat dictant ses quatre volontés. Puisque le chef de l'Etat veut se donner une image différente et moins soumise aux marchés, qu'il entende l'opinion des acteurs locaux prêts à s'impliquer plus encore mais selon des règles transparentes et loyales.

 

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 19
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
Oui mais y a aussi les cantons, les communautés de commune et les pays. De ce coté la, il y a peut être moyen de regrouper les choses. De plus, que dire de la fusion des hôpitaux de Dinan (22) et Saint Malo (35)?

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
Si les departements ne depensaient pas autant, et apportaient, comme le dit M. Tourenne, plus de democratie, sans doute que des millions de gens seraient dans les rues. Mais voilà que les conseils generaux sont devenus un guichet de plus, servant le...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
quel chance avons nous d'être si bien entouré avec nos communes, nos syndicat de communes, nos cantons, nos départements, nos régions que de braves gens pour s'occuper des français et de leur argent.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
Plus nous sommes administrés et plus çà va mal. En CORSE, une ile de 260000 habitants, nous avons 360 communes, 2 conseils généraux, 4 députés, 2 sénateurs, 1 région. In fine comme plus personnes ne sait qui fait quoi, on ne fait plus rien. Je ne vou...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
1 million de fonctionnaires de plus depuis la création par Mitterand des conseils généraux !! En n'avions nous vraiment besoin ? Bien sur que non. 5.5 millions de fonctionnaires contre 1.8 en Grande Bretagne pour le même nombre d'habitant, cherchez l...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
Il a raison,Sarko,il faut tailler dans le vif et faire des économies(énormes...)Il y a trop de strates qui font double emploi. Bien sur, il y aura moins de place pour caser les enfants des petits copains ou des affidés...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
Les politiques économiques se croisent, s'entrecroisent, les techniciens idem, les politiques id... Tout cela au service très restreint des politiques ayant l'accès à la présidence de chaque conseil. Quant aux règles d'attribution, elles ne sont géné...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
Regardez tous ces palais construits ou en construction dans les départements . Avec quel argent et surtout pour qui ? il faut arrêter ces dépenses somptuaires .

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
SARKO a raison,il faut absolument simplifier les structures administratives. Il y a beaucoup trop de fonctionnaires et d'élus en France... et donc une charge fiscale démesurée et confiscatoire. Comment font les entreprises confrontées aux réalités éc...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
Je crois que vous n'avez pas compris les intentions du gouvernement. La fusion Région/Département se traduira par: Les Conseillers Régionaux et et les Conseillers Généraux sont élus sur une même liste. Les Conseillers Régionaux votent le budget et lè...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
1 million de fonctionnaires en plus depuis miterrand, c'est normal car on a créé la fonction publique hospitalière depuis( 1 millions d''agents). Si vous préférez le système anglo saxon pour le système de soins, libre à vous, et si vous pensez que le...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
oh que corsica a raison!

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
La peur de perdre sa fonction égare ce bon monsieur. Le Département est trop loin des populations pour rendre les services d'une commune ou d'une communauté de communes, et pas assez puissant pour prendre en charge les questions que la Région peut ré...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
il y a trop d'élus en France - l'administration du pays doit faire son Power 8

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
Beaucoup de commentaires de lecteurs naïfs : croyez-vous vraiment qu'en supprimant des échelons, on supprime les missions qui vont avec ? Les nids de poule continueront à être bouchés, les poubelles ramassées etc. Et si ce ne sont plus des foncti...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
moins il y aura de hauts fonctionnaires,moins il yaura de dessous de table,deduit des impots

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
La réduction du nombre de Conseils de toutes sortes tombe sous le sens . Avez vous vu le nombre de Palais locaux construits et en projet , pour ces personnages , dont on se demande s'ils sont utiles à quelque chose ,( mis à part à leur satisfaction ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
60 millions de français, près de 350 sénateurs ! 300 millions d'américains, 100 sénateurs. Chaque français porte 17,5 fois plus de sénateurs que chaque américain, et c'est lourd et ça coûte ! L'exemple doit venir de haut quand on dit que l'Etat vit a...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
Le temps des vrais changements arrive et essayons ensemble d'agir en visionnaire et non plus en cherchant à justifier des systèmes, des organisations "mille feuilles" où chacun se revoit la balle dans une improductivité complaisante.Oui, la société v...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.