Parachutes dorés : haro sur les dirigeants ?

Par François Farmine, avocat associé (cabinet Clifford Chance)  |   |  657  mots
Par François Farmine, avocat associé du cabinet Clifford Chance.

Les crises, qu'elles soient financières, politiques ou morales, entraînent leur lot de victimes et d'interrogations. La crise financière a fait plonger les places boursières. Nombre de petits porteurs se sentent floués. La chute de l'immobilier risque d'effacer les plus-values attendues par nombre d'épargnants. La crise industrielle appelle la mise en place de plans sociaux qui font d'ores et déjà envoler les statistiques du chômage. C'est dans ce contexte que nous avons vu naître un nouvel épisode consacré au feuilleton de la rémunération des dirigeants d'entreprises et de leurs indemnités de départs. Quelques cas médiatiques d'entreprises en difficulté et dont les dirigeants ont été révoqués moyennant le versement d'indemnités de départ ont frappé l'opinion publique. Pour juguler cette émotion, somme toute compréhensible, les dirigeants d'entreprises et leurs "parachutes dorés" ont été une nouvelle fois mis en accusation.

L'équation "entreprise en difficulté-chômage-crise bancaire et parachutes dorés" a conduit un grand nombre d'intervenants à stigmatiser les dirigeants d'entreprises. Ce débat a pourtant laissé derrière soi deux éléments essentiels : la définition des "parachutes dorés" et leur objet ainsi que la notion du respect du contrat, socle d'un Etat démocratique.

Le "parachute doré" n'est en réalité qu'un dispositif contractuel négocié entre la société et son dirigeant lors du recrutement de celui-ci ou en cours d'exécution du mandat social. Ce contrat comporte en général le versement d'une indemnité forfaitaire en cas de révocation du dirigeant. Contrairement à ce que l'on a pu lire ou entendre dans la bouche de commentateurs autorisés, l'indemnité contractuelle n'a pas pour finalité de sanctionner la performance du dirigeant au regard de celle de la société qu'il dirige. Il existe des outils juridiques spécifiques pour prendre en compte les résultats d'un dirigeant: ce sont les systèmes de rémunération variable et de bonus sur résultats. L'indemnité contractuelle forfaitaire a une toute autre finalité : elle permet de rassurer le dirigeant sur les conséquences financières de son inévitable éviction. En effet, si rien n'est éternel, la durée de vie d'un dirigeant est frappée du sceau de l'incertitude et, osons le dire, de la précarité.

On a pu entendre que le montant de la rémunération des dirigeants devrait suffire à les garantir contre toute éviction. C'est oublier que la rémunération, librement négociée entre la société et son dirigeant et soumise au contrôle des Comités de rémunérations et de l'assemblée générale des actionnaires, compense le travail et les responsabilités extraordinaires qui sont confiées à celui qui est chargé de représenter les intérêts des actionnaires et salariés de son entreprise. Le chef d'entreprise est responsable devant eux mais également devant les tiers. Sa responsabilité est d'autant plus lourde qu'elle pourrait être, le cas échéant, pénalement sanctionnée.

Les indemnités de départ sont convenues dans le cadre d'un contrat entre la société et son dirigeant. Aux termes du Code civil, le contrat fait force de loi entre les parties. La remise en cause du contrat, au besoin par une intervention législative qui trouverait application rétroactivement, mettrait en danger notre système juridique. Il convient également de garder à l'esprit que dans les Etats démocratiques, les litiges sont soumis à l'autorité judiciaire. En France, les tribunaux ont développé une jurisprudence leur permettant de modérer les abus en matière d'indemnités contractuelles. Depuis l'intervention de la loi NRE en 2001, le dispositif législatif applicable à la rémunération des dirigeants s'est considérablement renforcé.

N'oublions pas que nous vivons dans un monde ouvert. La compétition s'applique également aux talents que l'application de règles contraignantes pourrait inciter à partir vers d'autres horizons.