L'illusoire relance budgétaire européenne

Par David Spector, professeur associé à l'Ecole d'économie de Paris.

Face à la crise, l?idée d?un gouvernement économique européen est souvent évoquée, notamment dans le domaine budgétaire. Une relance budgétaire européenne représenterait une double rupture. Elle conduirait le déficit de nombreux Etats membres à s?éloigner de la limite de 3% du PIB fixée dans le Pacte de stabilité. Elle impliquerait par ailleurs une forte augmentation du budget européen, actuellement voisin de 1% du PIB communautaire. L?accroissement massif du budget européen aurait donc l?apparence d?une politique volontariste et audacieuse, ce qui explique son attrait. Pourtant, il ne permettrait pas de répondre à la crise de façon plus efficace qu?une juxtaposition de politiques nationales étroitement coordonnées.

Les deux outils principaux de la politique macroéconomique sont la politique monétaire et la politique budgétaire. Chacune a ses inconvénients : une relance monétaire peut augmenter l?inflation et faire naître des bulles spéculatives génératrices de crises futures ; et une relance budgétaire augmente la dette publique. Mais l?arbitrage entre ces deux outils se présente différemment des deux côtés de l?Atlantique. Aux Etats-Unis, le taux directeur de la Fed, égal à 1%, ne peut plus beaucoup baisser. Si la situation ne s?améliore pas, la politique budgétaire sera donc le seul instrument disponible, comme dans le Japon des années 1990.

Au contraire, avec un taux directeur de 3,25% dans la zone euro, les marges d?action de la politique monétaire sont encore importantes en Europe, d?autant que la baisse du prix des matières premières limite le risque d?inflation. Une relance budgétaire n?a donc pas en Europe le même caractère d?urgence absolue qu?aux Etats-Unis. Elle sera cependant nécessaire si la politique monétaire se révèle impuissante à relancer le crédit, ce qui semble être le cas pour l?instant.
La relance budgétaire est déjà à l??uvre du fait des "stabilisateurs automatiques": en période de crise, les recettes fiscales diminuent, les dépenses sociales augmentent, et le déficit s?accroît mécaniquement : une baisse de 1% de PIB dans un pays augmente le déficit public de 0,5% environ. Ainsi, selon la Commission européenne, les déficits publics de la France devraient atteindre 3,5% du PIB en 2009 et 3,8% en 2010.

Dans ce contexte, quel peut être le rôle de l?Europe ? Elle peut tout d?abord suspendre l?application du Pacte de stabilité. Hors récession, le contrôle communautaire des déficits et de l?endettement des Etats de la zone euro est justifié parce que l?endettement excessif d?un Etat augmente les taux d?intérêt applicables à tous les emprunts d?Etat en euros, et donc le coût de financement de la dette publique de tous ses partenaires. On dit alors, en jargon économique, que l?endettement d?un État engendre des externalités négatives sur les autres. En temps normal, une règle coercitive est nécessaire pour obliger chaque Etat à tenir compte de ces externalités négatives.

En période de récession sévère, le raisonnement s?inverse. Les externalités deviennent positives parce que l?endettement d?un Etat augmente la demande adressée aux pays voisins et profite à l?ensemble de l?Union européenne, et même au-delà. Chaque Etat peut donc être tenté de ne pas s?endetter, pour ne pas creuser son déficit, tout en comptant sur ses voisins pour relancer l?économie. Une coordination européenne est nécessaire pour éviter une telle impasse et encourager chaque Etat à s?endetter plus qu?il ne le ferait spontanément.

La relance la plus utile est celle qui se traduira rapidement par une augmentation de la demande, de l?emploi et de l?activité. Il peut s?agir de transferts fiscaux en faveur des ménages les moins aisés (dont la propension à consommer est la plus élevée), d?aides ponctuelles en faveur des secteurs intensifs en main-d??uvre et dépourvus d?un accès suffisant au crédit, ou d?investissements publics directs générateurs d?une demande de travail importante et rapide.
Or, de telles dépenses relèvent des gouvernements nationaux plutôt que du budget européen, même si elles nécessitent une coordination européenne et une certaine concertation avec la Direction de la concurrence pour valider d?éventuelles aides sectorielles. L?augmentation du budget européen est sans doute justifiée pour mutualiser certaines dépenses dans le domaine militaire, scientifique et technologique.

Mais il s?agit là de politiques à long terme plutôt que d?instruments de politique macroéconomique. En outre, l?expérience montre qu?une relance à partir du budget européen risquerait de donner lieu à beaucoup de gaspillages parce que, au sein de l?Union européenne, les Etats sont davantage préoccupés par le partage du gâteau entre pays que par l?efficacité économique : c?est ce qui explique la survie de la coûteuse et néfaste politique agricole commune, et les dérives de la politique des fonds structurels. S?il est vrai qu?une augmentation du budget européen est souhaitable à terme, la politique de relance la plus efficace relève de l?échelon national, avec une coordination européenne.

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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L'ennui et le risque est la maladie que la macro-économie a répandue par sa massification uniforme,au mépris total des habitants,commercialement déchus du statut de clients pour être instrumentalisés en consommateurs de Panurge. La relance budgétair...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Veut-on vraiment sortir de la crise ? Au lieu de s'évertuer à faire peur au peuple Européen, il faut créer un immense emprunt Européen mais pas des miettes. Il faut un emprunt Européen géant de 7500 milliards, sur une durée de 15 ans, remboursable...

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