L'édito de la Tribune : régulons l'eau

Par latribune.fr  |   |  387  mots
Par Eric Benhamou, rédacteur en chef adjoint de La Tribune

Le modèle français de la gestion de l'eau faisait jusqu'ici l'admiration de tous. Il laisse aux communes le libre choix entre un service public géré par elles-mêmes en régie, en société mixte ou entièrement délégué à des acteurs privés via une concession. La délégation est même devenue, dans le monde entier, une référence pour les services collectifs et un argument commercial de choc pour Veolia et Suez.

Pourtant, derrière ce tableau flatteur, quelques vérités commencent à s'imposer. Globalement, l'eau est de plus en plus chère (+140% en France depuis 1994) et de plus en plus polluée. Une partie de la hausse s'explique certes par des exigences environnementales accrues et la rareté de la ressource. A cela s'ajoute la suspicion sur la domination de ce marché par les deux leaders français, qui s'en arrogent près de 60% (70 % avec le challenger Saur).

Le consommateur électeur commence à trouver la facture un peu lourde. Comment favoriser le développement de nouveaux acteurs, surtout lorsqu'ils se révèlent innovants et répondent à la demande croissante pour des solutions alternatives ? Passons rapidement sur le dicton «concessions égales commissions», ce type de pratiques ayant beaucoup reculé depuis les années 1980. Les écarts de prix ne cessent en outre de se creuser entre les régions, les villes, les communes. Le banlieusard comprend de moins de moins pourquoi il paie son eau deux fois plus cher qu'à Paris.

La décision de la capitale de reprendre en main la gestion de l'eau aura donc au moins une vertu : celle de faire bouger les lignes d'un marché trop longtemps figé. Une cinquantaine de municipalités ont déjà enclenché le mouvement et plusieurs grandes villes devraient basculer. En clair, la révolte gronde. Les opérateurs privés devront riposter et convaincre de l'avantage comparatif de leur offre. Et l'Etat doit s'impliquer sur les prix et la régulation pour imposer à tous les acteurs un cahier des charges, comme il a su le faire dans les télécoms, La Poste et les autoroutes, pour assurer un minimum de cohérence nationale. Si l'accès à l'Internet haut débit est un service public, que dire de l'eau ? A quand une grande loi cadre sur la consommation de l'eau ?