François Chérèque (CFDT) : "Construire de nouveaux droits pour les salariés"

Par François Chérèque (CFDT)  |   |  698  mots
Vingt millions de Français, salariés et employeurs, élisent mercredi 3 décembre leurs conseillers prud'homaux. Après avoir donné la parole à la CGT, la CFE-CGC, FO et la CFTC, La Tribune conclut son tour de piste sur le rôle des syndicats vu par eux-mêmes, à la veille de cette élection majeure pour les relations sociales. Aujourd'hui, François Chérèque (CFDT) plaide pour un syndicalisme du dialogue responsable.

La crise financière qui déstabilise toutes les économies mondiales est lourde de menaces et ses effets se font déjà sentir : fins de mission d'intérim et de CDD, licenciements, plans sociaux provoquent le chômage de milliers de salariés ; chômage technique, jours de RTT ? voire de congés annuels ? anticipés conduisent à des pertes sèches sur les feuilles de paie. Des effets directs quand des PME ne peuvent plus faire face à leurs besoins de financement, mais aussi des effets dus à l'accentuation de crises sectorielles antérieures comme dans l'automobile ou des effets "d'aubaine" quand des groupes profitent de la crise pour restructurer leur production.

Dans un tel contexte, la responsabilité du syndicalisme est immense. Il doit être une force organisée capable d'apporter une contribution décisive pour résoudre les difficultés vécues par les salariés. Sa légitimité se construit à leurs côtés dans les entreprises: c'est à ce niveau que le dialogue social peut permettre que la stratégie des entreprises intègre leur avenir économique et celui de leurs salariés. L'efficacité du syndicalisme repose sur trois conditions: négocier des réponses de court terme qui s'inscrivent dans une vision de long terme, rechercher l'intérêt général des salariés, coordonner son action au plan européen et international.

Depuis plusieurs années, la CFDT agit en faveur de la sécurisation des parcours professionnels. Avec l'accord sur la modernisation du marché du travail conclu en janvier 2008 et les trois négociations en cours sur la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, la formation professionnelle et l'assurance chômage, elle a la volonté de construire de nouveaux droits pour les salariés pour faire face dans les meilleures conditions aux transitions professionnelles quelle que soit la taille de leur entreprise. Les effets de ces négociations n'interviendront que sur le moyen terme. Aussi il est nécessaire que les réponses apportées sans attendre soient cohérentes. Ainsi, s'il est positif d'étendre le contrat de transition professionnelle dans les bassins d'emploi fortement touchés par la crise, ce serait inéquitable et contre-productif s'il restait réservé aux seuls licenciés économiques en laissant à l'écart les salariés en fin de CDD, de mission d'intérim, ou privés d'emploi pour un autre motif, qui sont les plus nombreux.

Un des enjeux majeurs pour le syndicalisme est de prendre en compte toutes les situations des salariés, quelle que soit leur place dans la production. Le temps est fini où les acquis obtenus dans les grandes entreprises se généralisaient à tous. La CFDT veut agir pour développer la responsabilité sociale des entreprises vis-à-vis de leurs sous-traitants. Rien ne serait pire que d'abandonner les entreprises sous-traitantes et de voir leurs emplois délocalisés demain quand la conjoncture sera plus favorable. Il est nécessaire, avec la contribution de l'Etat, d'investir dans la formation et la qualification de leurs salariés et de préserver leurs capacités productives. La CFDT est favorable à l'amélioration des conditions de chômage technique pour préserver l'avenir à condition que cela ne soit pas la solution de facilité pour des entreprises qui refusent tout effort après des années de profits. De même, les grands groupes en bonne santé financière doivent assumer leur responsabilité vis-à-vis de leurs filiales en difficulté.

Enfin la CFDT agit, avec les organisations européennes (CES) et internationales (CSI) dont elle est membre, en faveur de nouvelles régulations mondiales et pour que des réponses soient apportées au niveau européen afin de relancer l'économie dans des voies d'avenir favorisant un développement durable : les futurs gouvernants américains semblent avoir compris, enfin, que les enjeux de l'énergie et du climat étaient centraux dans la croissance future. L'Europe ne doit pas prendre de retard à cet égard. Il en va des emplois de demain. Dans un monde plus que jamais incertain et dangereux, le syndicalisme a la responsabilité de contribuer à la construction de nouvelles régulations de l'économie de marché et à celle d'une croissance durable.