L'édito de La Tribune : les trois leçons d'Ubisoft

Par latribune.fr  |   |  408  mots
Par Jean-Baptiste Jacquin, rédacteur en chef de La Tribune

Combien de sociétés ont cette année relevé par trois fois leurs prévisions de chiffre d'affaires annuel ? Au moins une : Ubisoft. L'éditeur français de jeux vidéo nous donne une leçon de management édifiante en déjouant tous les savants pronostics des experts. Alors qu'Ubisoft lance la semaine prochaine, à quelques encablures de Noël, le dernier volet de son jeu vidéo d'aventure Prince of Persia, il ne le « vend » pas aux investisseurs comme le produit vedette qui fera des miracles (première leçon). Ce n'est pas le style de la maison que de promettre la lune. L'entreprise familiale bretonne est gérée par Yves Guillemot en bon père de famille. A un point tel qu'elle était considérée il y a quelques années comme ringarde dans ce monde de géants internationaux. Ubisoft semblait d'ailleurs condamnée à se faire avaler par Electronic Arts, alors numéro un mondial. L'éditeur américain à qui tout réussissait avait annoncé en décembre 2004 qu'il avait acquis 19% du capital du français. Mais le « sympathique » breton n'a pas voulu re-jouer le village gaulois d'Astérix (deuxième leçon). Bien sûr Yves Guillemot a cherché les parades à une éventuelle OPA hostile du Goliath américain. Mais il ne s'est pas barricadé. Au contraire, des contacts ont existé entre les deux groupes début 2005, même si Yves Guillemot répétait alors : « Nous pensons que la solution la meilleure est qu'Ubisoft garde son indépendance ». Une déclaration interprétée comme une posture destinée à faire monter les enchères. Pourtant, il n'a pas cédé à la promesse de plus-value rapide qui lui était faite (troisième leçon). Et il a eu raison, le père de famille ! Entre décembre 2004 et aujourd'hui, le cours de l'action Ubisoft a été multiplié par plus de quatre et celui d'Electronic Arts a été divisé par trois. Le tout sans potion magique. La famille Guillemot a développé Ubisoft avec ses moyens: sans entrer dans la course aux licences coûteuses, en développant ses propres marques (Splinter Cell, Far Cry, etc), en lançant des jeux moins gourmands en développement (Lapins Crétins) que les hits mondiaux. Ubisoft a profité de la démocratisation du jeu vidéo (à la façon Wii de Nintendo) dont le marché déborde désormais largement le cercle des boutonneux insomniaques.