Le modèle industriel à l'aide des banques

Par Céline Szczot, consultante spécialisée dans le domaine bancaire chez IBM.

Confrontées à une crise financière sans précédent et à une réduction drastique de leurs marges bénéficiaires, l'industrialisation des "processus métiers" permet aux banques de défendre leur résultat en réduisant leurs coûts d'exploitation. Partie intégrante de leurs stratégies de développement sur le marché domestique ou à l'international, le modèle industriel constitue plus que jamais un véritable relais de croissance.

Pour accroître leur performance, les principales banques de détail du marché poursuivent la refonte de leur modèle de production bancaire en accentuant la mutualisation et l'industrialisation de leurs processus métiers. Les projets engagés se soldent notamment par la création de plateformes de services sur le modèle découplage distributeur/producteur. Cette dynamique touche l'ensemble des domaines fonctionnels de la banque.

Ce mouvement de rationalisation des activités de production devrait s'accélérer dans les prochaines années. Dans un contexte de fort ralentissement économique, il constitue un véritable relais de croissance en interne. Fragilisées par la crise et par les pertes occasionnées sur leurs activités de banque d'affaires, les banques dites universelles trouvent dans la mise en oeuvre de projets de mutualisation le moyen d'assurer la défense de leur résultat sur leurs activités de détail, en abaissant leur coefficient d'exploitation. On observe que le seul fait de lancer de tels projets de transformation peut permettre de réduire jusqu'à 50% les frais de fonctionnement en une année.

Autre effet de la crise, les acteurs bancaires européens poursuivent leur logique de rapprochement à l'image de la reprise de Fortis Belgique et Luxembourg par BNP-Paribas ou du mariage de la Caisse d'Epargne et des Banques Populaires. On assiste à "l'émergence de grandes banques de détail" nationales et paneuropéennes. Ces démarches de synergie entre établissements: partenariats, fusions, mutualisations et industrialisation favorisent naturellement les démarches de rationalisation et de regroupement des processus dans une logique d'économie d'échelle, de réduction des activités à faible valeur ajoutée (recentrage sur leur "c?ur de métier") mais également de mise en commun des ressources rares ou coûteuses (construction de pôles d'excellence).

Enfin, les échéances de conformité réglementaires (SEPA, AML, MifID) et l'augmentation prévisible des lois de régulation imposent une harmonisation des pratiques au niveau des groupes bancaires. La mutualisation et l'industrialisation des processus métiers jouent alors un rôle de facilitateur dans la mise en application de ces nouveaux dispositifs réglementaires en normalisant les traitements ; l'exigence d'auditabilité et de lisibilité des processus étant par ailleurs encadrée par la convention de services mise en place entre le producteur et le distributeur.

Ainsi, après des années d'efforts pour rationaliser leurs systèmes d'information, on observe désormais une multiplication des projets d'industrialisation et de mutualisation des activités bancaires. Cette démarche ne se fait pas pour autant de manière désordonnée. Les formes de regroupement sont adaptées à la taille et à la spécialisation des acteurs.

Ainsi, deux grandes tendances se dessinent. D'un côté, les grands acteurs bancaires optent pour la mise en commun de leurs ressources internes en créant des pôles d'activités centralisés. Dans le cadre de leur développement à l'international, on assiste par exemple à la multiplication des plateformes de paiement intégrant les enjeux SEPA. De l'autre, les filiales et les acteurs de petite taille ont développé des stratégies plus agressives en mettant en place des centres de services externalisés et dédiés, ouverts à de nouveaux clients et partenaires (plateforme de crédit en ligne, de gestion des titres, d'assurance, etc.)

Au sein d'une même entreprise, ce type de projet peut être généralisé à l'ensemble des filières métiers de la banque et concerne toute activité susceptible d'être rationalisée soit par l'uniformisation des processus et méthodes soit par l'uniformisation des outils, soit par la conjugaison de ces deux approches techniques et organisationnelles. Au-delà de la démarche traditionnelle de mutualisation des activités de production d'une même filière métier (par exemple, création d'un centre de traitement des chèques en support du réseau), le découplage des plateformes est aujourd'hui opéré dans une approche SOA ("Architecture Orientée Services") pour permettre une évolution vers le modèle distributeur/producteur (rupture de l'organisation en silo et mutualisation des traitements transverses).

Pratiquement, il n'existe pas de modèle universel pour la mise en ?uvre d'une démarche de mutualisation et d'industrialisation. En fonction du contexte et de la culture de l'entreprise, les leviers de la transformation seront tour à tour stratégiques, organisationnels, humains ou technologiques.

Quelques tendances générales se dégagent cependant. La réussite de ces projets est déterminée par une mobilisation et un sponsoring très fort de la part de la direction d'entreprise et une anticipation des actions de conduite du changement à tous les niveaux (directions, partenaires sociaux, collaborateurs, etc.).
S'agissant du volet social (transfert de l'activité, mobilité et reclassement du personnel), l'écueil à éviter est de présenter ces projets de transformation sous l'angle organisationnel uniquement, au détriment des enjeux technologiques (modernisation de l'activité) et de professionnalisation des ressources (renforcement de l'expertise métier).

Par ailleurs, la poursuite des départs massifs à la retraite des "baby boomers" (prévue jusqu'en 2013) constitue une véritable opportunité pour les banques de réorganiser et de restructurer leur activité en minimisant les impacts sociaux. Enfin, le facteur temps est essentiel : le processus de décision ne doit pas être précipité au risque d'effrayer une partie des décideurs, tandis que la concrétisation du projet "en temps et en heure" reste essentielle pour assurer le succès politique d'une telle opération. Ces deux contraintes ne sont généralement pas antinomiques : les parties juridiques et organisationnelles de la mutualisation sont généralement anticipées sur les actions d'industrialisation, à plus forts enjeux technologiques.

Structurellement intégrées dans la stratégie d'entreprise, les démarches d'industrialisation et de mutualisation des métiers bancaires s'appuient désormais sur des modèles coopératifs permettant de mutualiser les moyens de production. Dans une période de grave crise économique et de recherche de nouveaux relais de croissance, le modèle industriel s'avère un outil essentiel dans leur stratégie de développement, en adressant des problématiques financières (réduction des coûts), de performance opérationnelle (évolution des métiers et professionnalisation des ressources, efficacité des traitements dans un modèle distributeur / producteur) et de mise en conformité réglementaires (SEPA, AML, MifID).

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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en vous lisant j'ai eu deux réactions : 1/ j'ai eu l'impression de lire une dissertation d'un lycéen , construit sur le modèle thèse antithèse synthèse, lycéen soucieux de plaire à son professeur et recherchant la bonne note pour le bultin de fin...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Oui vous avez raison BrunoM, cela ressemble bien à un exercice d'école. Le problème, c'est que c'est avec ce genre d'arguments bien partagés et serinés depuis les années 90 qu'on a fichu l'économie mondiale par terre. Hélas la horde de ce qu'on ose a...

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