La mort de la mort

La génomique et les thérapies géniques, les cellules souches, la médecine des protéines-chaperons et des nanotechnologies réparatrices, l'hybridation humain-machine, le développement de toutes ces nouvelles connaissances vont permettre l'émergence d'une médecine de la résilience, œuvrant à un recul important de la mort. Ce progrès entraîne cependant des conséquences importantes pour l'espèce humaine, estime Laurent Alexandre, docteur en médecine.

La mort semblait une évolution biologique inévitable?: la loi universelle de la vie. Le corps s'use progressivement, la médecine ne pouvant que ralentir cette dégradation inévitable. Pourtant, les découvertes biologiques récentes apportent une autre vision. La mort semble plutôt la conséquence d'une forme de "suicide cellulaire" qui se produit à un âge, différent selon les espèces... mais qui n'a rien d'obligatoire ni d'inévitable.

Très longtemps vécue entourée des proches, la mort s'est désocialisée, cachée et médicalisée à partir des années 1950. La techno-médecine va engendrer une seconde révolution?: après la mort cachée et honteuse, sa biologisation et son grignotage technologique. Ce recul de la mort a déjà débuté avec le remplacement d'organes par la transplantation ou leur suppléance par des médicaments, ainsi qu'avec la médecine de la ressuscitation (réanimation lors des arrêts cardiaques, par exemple). Mais le processus va connaître une accélération foudroyante.

La mort de la mort sera la plus vertigineuse conséquence de ce que les spécialistes nomment la "grande convergence NBIC" (nanotechnologies, biologie, informatique et cognitique).

La génomique et les thérapies géniques, les cellules souches, la médecine des protéines-chaperons et des nanotechnologies réparatrices, l'hybridation humain-machine (dont les implants cochléaires utilisés dans les surdités neurologiques sont la plus spectaculaire réalisation à ce jour) permettent d'envisager une croissance de l'espérance de vie en bonne santé beaucoup plus rapide que ce que la société envisage généralement. Cette médecine de la résilience devrait repousser les limites de notre longévité dans des proportions inimaginables il y a seulement trente ans. Il est probable que l'espérance de vie doublera déjà au cours du XXIème siècle, et l'obtention d'une quasi-immortalité ne serait plus qu'une question de temps.

Ces perspectives, quel que soit leur horizon, sont inéluctables, compte tenu du potentiel synergique des quatre révolutions NBIC. Pour autant, il ne s'agit pas de tomber dans une quelconque techno-béatitude. Cette modification radicale de l'humanité va bouleverser en quelques générations tous nos rapports au monde?: une puissante dialectique entre l'égotisme absolu et le partage est inscrite dans le devenir de la médecine de la résilience.

La médecine de la résilience deviendra le réacteur nucléaire de la société. Une espérance de vie très longue supposerait, en effet, une intervention biologique très précoce au début de la vie, notamment pour mettre en ?uvre une programmation "épi-génétique". Le contrôle social exercé par le complexe médico-industriel générera des oppositions politiques et philosophiques majeures et la bio-politique deviendra l'épicentre d'un débat démocratique, profondément remanié par l'allongement de la vie.

La techno-médecine semblera légitime, en première analyse, et il faut bien admettre qu'aucune innovation médicale n'a été durablement bloquée par le pouvoir politique. Mais l'encadrement politique du risque de "dérapage orwellien" s'imposera, ce d'autant que la bio-ingénierie anti-âge ne se contentera pas de déstructurer la mort, elle s'attachera aussi à améliorer les performances humaines. La fixation des limites à la transgression dans la modification de l'espèce humaine conduira à des oppositions violentes et légitimes.

Les bio-conservateurs pourraient tenter de bloquer cette évolution souhaitée par "les transhumanistes", mais il paraît peu probable que l'ensemble des nations agissent de la même façon... Est-ce la fin de l'unicité de l'espèce humaine??

La mort joue un rôle psychologique fondamentalement bénéfique. Ne pas mourir, c'est prendre le risque de déprimer, et la mort de la mort sera considérée par certains comme la mort de l'Homme?: notre existence ne tire-t-elle pas une partie de son sens de sa brièveté??

La plus grande inégalité de tous les temps va apparaître entre ceux d'avant la fin de la mort et les autres. Le gap numérique semblera bien mièvre à côté du gap génétique. Notre génération pourrait devenir amère en découvrant que les promesses de la quasi-immortalité ne la concerneront pas...

Une société où l'espérance de vie serait très longue serait confrontée à un risque majeur de surpopulation. Le malthusianisme démographique sera un réflexe partagé, pour maintenir une surface (terrienne) suffisante par habitant... Un moindre renouvellement des générations serait cependant source de sclérose, même si la médecine de la résilience limitera le vieillissement cérébral tel que nous le connaissons aujourd'hui. La polémique franco-française sur la retraite à 70 ans apparaîtra vite dérisoire?!

Dans un monde sans mort, l'humanité se cherchera de nouvelles valeurs. Le conflit avec les religions prônant de croître et de se multiplier pourrait devenir aigu. Cette évolution pourrait être à l'origine de la création de nouvelles religions et sectes, à ce moment charnière pour l'avenir de l'humanité, mais le rôle de l'argent pourrait aussi radicalement changer. La culture et l'art qui constituent deux remparts universels contre notre effroi devant la mort, survivront-ils à la vie éternelle??

La mort pourrait se réduire aux causes accidentelles, criminelles et au suicide, le droit à interrompre sa propre vie devenant un droit fondamental. Le droit à la procréation pourrait devenir subordonné à la réduction de la durée de sa propre vie, compte tenu de la nécessité de contrôler la population totale.

La mort de la mort est, à terme, inévitable. Mais elle va nous obliger à revisiter tous les fondements de l'humanisme.

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Commentaires 16
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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moi j'ai le sentiment que toutes ces techniques miraculeuses ne seront pas gratuites. elles seront même hors de prix. à ce jeu les immortels seront donc surement les élites (entre guillemets) politiques, financières et la suite et les autres comme au...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La mort est morte! Vive la mort!

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Woaw, quand j'ai lu cet article ça m'a donné envie de vomir. Tout ça est digne d'un film d'horreur apocalyptique et j'espère sincèrement que son auteur a pété un plomb sinon je donne encore moins cher que ce que je pensais de l'avenir de l'humanité.....

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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ils mourront de faim quand meme puisqu il ne restera que des faineants!

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La super médecine est déja dans les faits une médecine de riches et puissants. La médecine à deux vitesse (qui a toujours existée) s'est depuis dix ans encore plus séparée. La fin de la mort pour les élus est une certitude. Pour les autres il re...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Une réflexion d'anticipation qui fait froid dans le dos, tant la "nature humaine" pourrait en être bouleversée. Pas vraiment réjouissant de s'imaginer en cyborg avec des sentiments informatisés. Reste que même dans mille ans ils finiront poussière d'...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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d'accord avec JV, ne pas mourrir oui mais que tout le monde le puisse.c est vrai que ce serait flippant de se dire que nous n avons pas de fin mais d un côté c'est rassurant et jouissif..mais bon ne rêvons pas car bosser comme des forcené à vitam ete...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Votre commentateur est un vulgaire rigolo. Le risque de mort je l'ai affronté; on ne disserte pas on se bat avec l'aide des médecins. J'espère pour lui un redoutable cancer du pancréas ou pire encore un cancer du cerveau: il ne nous viendra plus fair...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Formidable ! La mise au point de la condamnation de Sisyphe est le « top projet » des homo sapiens ! Alors que les pollutions à effets différés n'ont pas encore produit leurs effets ! Plus sérieusement, comme dit Jean-François Kahn (et non pas son...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La mort de la mort ou la récurrence du phantasme ! Concept nourricier aussi bien - en littérature de Faust à Frankenstein, - dans les régimes dynastiques des royautés au pire concept des totalitarismes sans oublier les fortunes bourgeoises, -...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Genial une bonne chose de faite!!!

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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ce Laurent Alexandre s'empresse d'imaginer des scenarios extrêmes pour faire sensation. En pratique typiquement, en cas de cancer le médecin nous prescrira un traitement à prendre pendant 2 semaines, et hop, on l'aura vite oublié ce cancer! On ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La mort de la mort, en un mot : la vie. La vie, la vie éternelle ... est ce grave docteur ? Oui, c'est grave pour ceux qui n'aiment pas la vie, pour ceux qui ne savent pas être heureux avec ce qu'ils ont. Et puis, la vie, être responsable de ma vi...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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en tout cas Laurent Alexandre affectionne indéniablement les mots terminant par "ique". Ca doit rendre le sujet peut être plus crédible non ?

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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restye un nombre astronomique de catastrophes naturelles de crimes d accidents d erreurs et de manoeuvres dolosives

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je ne suis pas totalement contre cette idee de ad vitam eternam. Mais avant de mettre cette technique au point, les scientifiques devrait peut etre reflechir a une solution pour les consequence que ca entrainerait: surpopulation, famine, manque de tr...

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