Une révolution dans les relations de l'Etat avec les entreprises

Par Bernard Méheut, professeur de finances de l'entreprise au Collège des ingénieurs.

Peu médiatisé, un décret du 20 avril 2008 a instauré une durée de 30 jours après l'émission de la facture pour que l'Etat paie sa dette à son fournisseur. C'est une véritable révolution puisque les délais de règlement effectifs étaient jusqu'à présent plus proches des 90 jours que des 60 jours. Même s'il subsiste encore quelques exceptions, les établissements publics de santé par exemple, et même ceux de santé des armées pour lesquels un délai de 50 jours a été curieusement prévu, l'effet d'entraînement atteindra probablement rapidement les collectivités locales et le secteur privé, 30 jours déjà en vigueur pour les transports, et une règle à 45 jours fin de mois à partir du 1er janvier 2009.

C'est un grand bol d'oxygène pour les PME, qui outre cet encaissement accéléré n'auront plus à payer au fisc la TVA figurant sur la facture émise avant que l'Etat ait lui-même payé sa facture. Il est à souhaiter que ces excellentes mesures ne seront pas appliquées en traînant des pieds, par exemple en suscitant des demandes de rectification de facture dans le but d'obtenir une nouvelle facture et donc de retarder le paiement. Des intérêts de retard sont également prévus mais ils constitueraient une faible compensation.

Si le lourd travail administratif pour réclamer ces intérêts affectait les relations commerciales avec l'organisme public concerné, ou, pire, si le retard conduisait l'entreprise à cesser son activité. Il ne faudrait pas reproduire l'erreur commise lors de la mise en place du report en arrière des déficits, le "carry back" à la française. Ce dernier concerne les entreprises qui, après des exercices bénéficiaires ayant donc donné lieu au paiement de l'impôt sont devenues déficitaires : l'impôt payé au titre des exercices précédents peut s'imputer sur l'impôt dû au titre des exercices futurs, ou à défaut de bénéfices être remboursé par l'Etat mais, dans ce cas, seulement au bout de 5 ans ou en cas de dépôt de bilan. Il est clair que c'est dans l'immédiat, et non des années plus tard, que l'entreprise qui réalise des pertes a besoin d'argent pour se redresser.

Heureusement, le plan de relance annoncé le 4 décembre a pris en compte l'importance du temps dans l'équilibre du financement des entreprises et prévu une panoplie de mesures telles l'augmentation de 5 à 20 % de l'acompte versé pour un marché public dès lors que le marché dépasse 50.000 euros et sa durée deux mois, la présentation sur une base mensuelle et non plus trimestrielle des demandes de remboursement de TVA et le paiement effectué dans les jours qui suivent au lieu parfois de plusieurs mois, le paiement du crédit impôt recherche dès la remise au fisc de la liasse des comptes annuels avec rattrapage sur les 3 années antérieures, le remboursement immédiat du « report en arrière » avec rattrapage sur les 3 années antérieures.

L'ensemble des mesures ci-dessus est exceptionnel d'abord par l'amélioration de la trésorerie des entreprises qu'il entraîne, ensuite par la compréhension dont il témoigne des conditions de l'équilibre du financement des entreprises. Est-il possible de faire davantage pour que les entreprises se portent mieux et en particulier que les PME grandissent et créent des emplois et des richesses ?

A l'image de la suppression de la règle du décalage d'un mois dans la récupération de la TVA qui a mis fin à une procédure anti-économique, le code des impôts pourrait être débarrassé de certains articles qui stipulent que certaines charges, que les règles comptables imposent d'enregistrer sur l'exercice au cours duquel elles ont été encourues, ne sont pas déductibles immédiatement pour le calcul de l'IS mais le seront sur les exercices au cours duquel elles seront effectivement payées. Parmi ces dernières, les principales concernent  :
- la participation des salariés aux bénéfices
- la contribution sociale de solidarité, aussi appelée organic
- la cotisation pour le logement des salariés, dite "1% logement"
- la provision congés payés pour les entreprises ayant opté pour le régime optionnel avant 1987
- la provision pour indemnité de départ en retraite

Rendre ces charges déductibles immédiatement réduirait, la 1ère année de mise en vigueur, l'impôt société, et donc augmenterait la trésorerie des entreprises.

De même, par analogie avec les acomptes IS que les entreprises paient avant la fin de l'exercice, instituer des acomptes sur crédit d'impôt recherche payés, cette fois, par l'Etat faciliterait de façon significative le financement des jeunes entreprises.

Plus par tradition que pour des raisons économiques, certaines rubriques de la liasse des comptes remise au fisc ne correspondent pas, actuellement, à des montants dont le dirigeant a besoin pour suivre la gestion de son entreprise. Remédier à cette anomalie rendrait plus facilement utilisable la liasse fiscale, qui est disponible sur les sites internet des tribunaux de commerce, par les nombreux partenaires de l'entreprise, y compris le chef d'entreprise lui-même.

Parmi les modifications suggérées, citons pour les comptes de résultat :
- la suppression au sein de la ligne "impôts" des taxes calculées directement sur les salaires et leur regroupement avec la ligne "charges sociales" qui deviendrait "charges sociales et fiscales sur salaires"
- la ventilation des "autres charges" en pertes sur créances, redevances et frais des organes de direction
- le regroupement des dotations et reprises aux provisions pour dépréciation des créances d'exploitation
- le regroupement des dotations et reprises sur provisions pour dépréciation des stocks fabrication (même regroupement pour les stocks matière d'une part, les stocks marchandises d'autre part)

Et pour le bilan :
- la mise en évidence à l'actif des créances hors cycle d'exploitation (trop versé sur acomptes IS, subventions à recevoir, montant à recevoir sur cessions d'immobilisations) qui se transforment rapidement en trésorerie positive
- la ventilation au passif des provisions en provisions pour risques qui correspondent à des décaissements futurs non récurrents et sont donc assimilables à des dettes financières à long terme à taux zéro, et provisions pour charges qui se renouvellent (garantie, terminaison de contrats) dont les montants sont des dettes d'exploitation comme les dettes vis-à-vis des fournisseurs ou du personnel et organismes sociaux
- la mise en évidence au passif des dettes hors cycle d'exploitation (IS, participation salariés, fournisseurs immos) qui ont une échéance connue et ne se renouvellent pas automatiquement et donc qu'on peut assimiler à des dettes financières à court terme à taux zéro

Plutôt que de regrouper ou ventiler des comptes pour des raisons étrangères aux besoins des chefs d'entreprise, les modifications ci-dessus rendraient les liasses fiscales lisibles par les dirigeants et donc inciteraient ces derniers à les utiliser comme des outils de gestion et non à les considérer comme une corvée obligatoire à destination du ministère des Finances.

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