Barack Obama, l'organisateur en chef des Etats-Unis

Par Adam Lioz, directeur de la programmation de l'organisation "grassroots", Progressive Future (www.progressivefuture.org).

Ce 20 janvier est un jour historique, non seulement parce que Barack Obama est le premier président afro-américain, mais aussi par la manière dont il s'est adressé au peuple américain grâce à la haute technologie et aux mouvements "grassroots" (portés par les citoyens de base). Étant donné son parcours et les potentialités offertes par les nouvelles technologies, il pourrait bien offrir aux États-Unis leur premier organisateur en chef. La démocratie américaine y gagnera si les institutions indépendantes restent actives et si le président continue de rendre des comptes.

La révolution Internet de la politique américaine est due à Howard Dean, durant les primaires de 2004, et aux « weblogs » progressistes tels Daily Kos. Mais Obama l'a parachevé avec ses 13 millions d'adresses e-mails, le site my.BarackObama.com, l'impressionnant réseau social interactif de ses militants et plus de 3 millions de donateurs. Obama a su lui adjoindre l'apport d'organisations "grassroots" traditionnelles aux techniques éprouvées. Il fut lui-même un organisateur communautaire à Chicago pour les églises et pour l'inscription sur les listes électorales. Il ne l'a pas oublié, et son équipe de campagne a travaillé avec Marshall Ganz, légendaire organisateur communautaire, pour convaincre les électeurs indécis ou probables abstentionnistes en s'appuyant systématiquement sur les volontaires et la proximité de voisinage. Cette alchimie l'a consacré. Elle lui laisse une armée de militants dévoués, ayant pratiqué l'action "grassroots" et connu la saveur de la victoire. Comment va-t-il utiliser ce réseau??

La période de transition laisse penser qu'il n'abandonnera pas l'approche "grassroots". Il a déjà lancé un site de transition interactif (www.change.gov) et posté des vidéos hebdomadaires sur YouTube. Ses militants ont continué à recevoir des messages de son directeur de campagne, David Plouffe, les enjoignant de s'engager dans leurs communautés ou de tenir des réunions "Change is coming" pour aider à définir et mettre en ?uvre les priorités locales et nationales. Les défis des années à venir sont sérieux?: remettre en marche l'économie du pays, redorer son blason international et appliquer un ambitieux programme sur le pétrole, le système de santé et l'Irak.

Obama peut-il s'appuyer sur ses militants?? Comment, pour quels bénéfices et avec quels risques?? Hors du premier cercle, nul ne connaît exactement le "Barack Obama 2.0". Mais Obama a déjà posté une vidéo demandant aux militants de s'inscrire à Organizing for America. Selon le "Los Angeles Times", un réseau piloté par le Parti démocrate pourrait placer au moins un organisateur dans chaque circonscription. Doté d'un budget annuel de 75 millions de dollars, ce système impliquerait les citoyens dans la réalisation du programme et préparerait la réélection d'Obama. Une autre organisation à but non lucratif mobiliserait les millions de supporters autour de projets de service.

Certains s'interrogeront sur le pouvoir d'un président qui adjoint à son autorité officielle une base "grassroots". Pourtant, un organisateur en chef doit susciter plus d'espoirs que de craintes. Les démocraties fonctionnent mieux quand les citoyens sont des participants actifs. Obama a fait taire le dicton "all politics is local" en motivant des millions de citoyens à s'intéresser à la politique et à devenir de petits contributeurs. En outre, son agenda progressiste le conduira à s'appuyer sur des mouvements "grassroots" pour surmonter la logique de Washington.

Les citoyens sont toujours vulnérables à la domination de dirigeants charismatiques. Quelque bien intentionné qu'Obama semble être aux yeux de la plupart d'entre nous, beaucoup de leaders politiques sont enclins à concentrer leur pouvoir et assurer leur réélection. Mais la qualité du mouvement « grassroots » est justement de susciter l'écoute. Obama devra rendre des comptes pour mobiliser sa base, constituée de 13 millions de militants et non plus des intérêts particuliers et riches donateurs traditionnels.

Finalement, des institutions "grassroots" indépendantes constituent le meilleur moyen pour contrôler nos élus. L'Aclu ou des groupes généralistes comme MoveOn.org doivent par exemple pouvoir infléchir la façon dont Obama équilibrera liberté et sécurité. Pour cela, les citoyens doivent reconnaître les vertus de l'indépendance. L'action grassroots n'est pas un jeu à somme nulle. Le "mouvement" dont a parlé Obama dépasse sa campagne?; ses architectes et les dirigeants des groupes grassroots indépendants doivent maintenir son cap et l'implication des citoyens. Les temps à venir seront difficiles. Mais, le nouvel organisateur en chef américain me donne espoir?!

Ce texte est publié en collaboration avec le "think tank" En temps réel, www.entempsreel.com.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
article très juste. on a envie d'en savoir plus du coup.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
article très juste sur un point trop rarement souligné. on a envie d'en savoir plus du coup!

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.