Forum social mondial / Davos : un "new deal" est possible

Au même moment s'ouvrent le Forum économique mondial de Davos (Suisse), réunissant les principaux responsables économiques, et le Forum social mondial à Belém (Brésil), où viennent échanger mouvements sociaux, ONG, réseaux. Avec la pire crise que le monde traverse depuis les années 1930, le moment est venu d'établir un nouveau dialogue en matière sociale et écologique, estime Jérôme Auriac, PDG de Be-linked (Business & Community Intelligence).

Chaque année, à la même époque depuis sept ans, se profilent les deux grands rassemblements de ce que le monde compte de décideurs économiques d'un côté, sur les versants ensoleillés de Davos, et de l'autre ce que la société civile compte comme représentants les plus actifs et influents au Forum social mondial.

En cette année de crises en tout genre, on se demande si l'opposition des deux organisations les plus puissantes de nos sociétés contemporaines - entreprises et ONG - va encore se radicaliser sur fond de changements structurels économiques, sociaux et environnementaux irréversibles, ou si de nouvelles voies peuvent être imaginées pour réformer et enfin améliorer la marche du monde.

Au Forum social, plus de 100.000 participants sont attendus à Belém au c?ur de l'Amazonie brésilienne, du 27 janvier au 1er février. Construire un monde plus équilibré, concilier lutte contre les inégalités et préservation de l'environnement seront le fil rouge des 2.000 forums et séminaires qui seront organisés.

De plus en plus conscients de leur éloignement des attentes des citoyens, les "maîtres du monde" réunis à Davos se demanderont comment sortir de la crise par le haut, comment concilier la création de richesses avec la pression du réchauffement climatique et des mouvements sociaux toujours plus larges, notamment dans les pays du Sud, principaux gisements de développements économiques des années à venir. Entre une approche qui privilégie les changements grâce à la base (Belém) et celle qui considère qu'elle doit venir d'en haut (Davos), une seule réponse à ces deux façons de voir l'avenir est-elle possible ?

La crise financière que nous vivons, et dont nous allons subir les soubresauts encore quelques mois, n'est qu'une des dernières pages d'un cycle. Un cycle de bouleversements profonds qui aura durablement affecté les bases sur lesquelles reposait une vision du capitalisme qui mettra encore des années à se réformer pour devenir plus responsable.

Ce cycle a également vu la montée en puissance de l'influence des ONG. De l'interpellation des puissances publiques dans les années 1980, les ONG ont élargi ces dix dernières années leurs campagnes au monde économique. Crédibilisées par l'enjeu climatique qui repose sur une vérité scientifique, elles n'ont cessé de gagner toujours plus la confiance du public au point de devenir, comme le montre chaque année à Davos le sondage Trust, l'organisation en laquelle les citoyens du monde entier ont le plus confiance, loin devant les entreprises et les médias.

Les organisations qualifiées d'ONG (*) vivent un moment sans précédent. Elles se développent en partie grâce à une meilleure circulation de l'information, toujours plus agile et plus nombreuse. Avec des Etats peu présents dans les pays en développement, le monde des ONG, en dépit de ses défauts et de sa complexité, est aujourd'hui en première ligne pour répondre aux enjeux toujours plus aigus des inégalités Nord-Sud. Quant à l'autre cheval de bataille de ces organisations, il concerne les impacts socio-environnementaux du réchauffement climatique dont les entreprises sont considérées comme en grande partie responsables.(**)

Concilier deux façons d'agir différentes et deux types d'organisations radicalement opposées dans leurs missions et leurs objectifs pourrait sembler un joyeux paradoxe. Pourtant, pour continuer à exister, les entreprises vont devoir travailler avec les ONG. Et de leur côté, pour rendre leurs réponses plus efficaces, les ONG ne pourront plus faire l'impasse sur la participation active des entreprises.

Soumise aux nouvelles contraintes écologiques et sociales, une entreprise, qui négligerait aujourd'hui les informations que lui renvoie la société civile à travers ses porte-voix que sont les ONG, verrait disparaître sa "licence to operate".

On voit donc se développer une interdépendance de plus en plus forte là où on ne percevait encore récemment que conflit possible entre entreprises et ONG. Le manichéisme n'est plus de mise.

L'entreprise est sans doute le seul type d'organisation à savoir créer de la richesse durablement. Pour paraphraser Emmanuel Faber, DG du groupe Danone, lors du lancement de la chaire Entreprise et pauvreté de HEC en décembre dernier, l'enjeu des années qui viennent est à la fois de créer de la richesse, mais aussi et surtout de manager et répartir cette richesse de façon plus équilibrée.

Les exemples d'expérimentations de nouveaux modèles économiques que sont les "social business" (mis en pratique par Yunus avec notamment la Grameen Bank et théorisés par C. K. Prahalad de l'université du Michigan) montrent clairement que l'une des clés de succès est la catalyse des savoirs de l'entreprise et de l'ONG. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) avance d'ailleurs qu'ils sont une des meilleures réponses actuelles à la lutte contre les inégalités.

Une nouvelle forme d'évolution du capitalisme serait-elle en cours ? Un système dans lequel les entreprises seront jugées sur leur capacité à créer de la valeur économique, mais aussi sociale et environnementale ?

Historiquement, il n'y a jamais eu de moment plus propice pour être optimiste et réinventer les modèles, quels qu'ils soient, alors pourquoi pas un World Social & Economic Forum en 2010 ?

(*) Lire P. Ryfman, "Les ONG" (2007)

(**) Rapport 2007 du GIEC

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