Les antennes donnent le vertige

Par jbjacquin@latribune.fr  |   |  318  mots
Par Jean-Baptiste Jacquin, rédacteur en chef à La Tribune.

De la belle idée du principe de précaution à son application, on risque un beau gâchis. Apparu juridiquement en 1992 au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, il a prospéré depuis. Sous la présidence de Jacques Chirac, le principe de précaution inscrit dans la Charte de l'environnement a été élevé au rang constitutionnel. La cour d'appel de Versailles, l'appliquant à l'antenne de téléphonie mobile de Bouygues Télécom, a donc fait son devoir.

Mais la lecture de son arrêt donne le vertige. La démonstration frise le raisonnement pervers en déroulant un terrifiant syllogisme. Après avoir longuement expliqué qu'aucune étude scientifique ne montrait l'existence d'un risque, même infime, sur la santé des antennes de téléphonie mobile, les magistrats de Versailles rappellent qu'à l'inverse "aucun élément ne permet d'écarter péremptoirement l'impact sur la santé publique de l'exposition de personnes" à leurs ondes.

La démonstration suit?: premièrement, les plaignants, un couple de riverains, "ne peuvent se voir garantir une absence de risque sanitaire"?; deuxièmement, ils sont donc "dans une crainte légitime constitutive d'un trouble" ; troisièmement "le caractère anormal de ce trouble" vient du fait que "le risque étant d'ordre sanitaire", ses conséquences touchent les plaignants et  "leurs enfants". CQFD, fermez le ban, démontez les antennes?!

Aussi devrions-nous toutes affaires cessantes ne pas nous contenter d'une antenne, mais démonter les 37.000 implantées en France. La Constitution s'appliquerait-elle différemment à Tassin-la-Demi-Lune et à Palavas-les-Flots?? Mieux, ce principe devrait permettre d'arrêter définitivement la circulation automobile (dont le risque pour la santé publique est avéré), clouer au sol les avions tant que l'innocuité des aéroports pour les riverains ne sera pas prouvée, etc. Ce principe de précaution comporte manifestement des risques dont aucun scientifique n'est encore en mesure de prouver le caractère inoffensif.