La taxe professionnelle est morte, vive la...

Par Mirko Hayat, professeur affilié, HEC Paris  |   |  651  mots
Par Mirko Hayat, professeur affilié, HEC Paris.

La taxe professionnelle (TP) n'en finit pas de mourir. Sa disparition a été annoncée maintes fois, mais on a surtout assisté à de multiples ravaudages qui ont conduit à un prélèvement incompréhensible et excessivement concentré sur une partie du secteur productif. Cette évolution a été initiée en 1998 par le ministre de l'Economie d'alors, Dominique Strauss-Kahn, qui a supprimé la partie de la taxe qui frappait les salaires (en moyenne 4% de la masse salariale).

Cet objectif fort louable n'aurait dû être que le prélude à la suppression de la TP. Mais ce projet n'est jamais arrivé à son terme, si bien que l'on a conservé un prélèvement totalement déséquilibré ne frappant que les investissements, c'est-à-dire les immobilisations corporelles. Cette réforme a été suivie en 2004 par l'annonce par le président Jacques Chirac de la suppression de la taxe, qui s'est en fait traduite par une imposition progressive et non immédiate des nouveaux investissements.

Elle s'est poursuivie avec le président Nicolas Sarkozy, qui a annoncé en 2008 l'exonération de la taxe pour les acquisitions d'immobilisations à compter du 23 octobre 2008. Ainsi, avec la loi de finances rectificative pour 2008, nous sommes passés d'une taxe sur les investissements à une taxe sur les vieux investissements?! Précisons que ces allégements sont pratiquement totalement compensés par l'Etat aux collectivités locales.

Pour des raisons de simple logique, cette situation n'est plus tenable. C'est pourquoi l'annonce faite par le président de la république le 5 février d'une suppression de la TP en 2010 n'a pu surprendre. A quelles conditions celle-ci peut-elle aboutir et ne pas rester lettre morte comme les précédentes??

Il faut d'abord tenir compte des contraintes constitutionnelles. Depuis la révision de la Constitution du 28 mars 2003, le législateur ne peut supprimer une ressource fiscale revenant aux collectivités sans lui substituer une ressource fiscale équivalente. La taxe professionnelle doit donc être remplacée par un impôt au rendement conséquent. Cette exigence constitutionnelle va d'ailleurs de pair avec le rôle de premier plan que jouent toutes les collectivités locales dans le soutien à la relance de l'économie, par leurs investissements en infrastructures, en logements, leur aide aux publics en difficulté, etc.

Ensuite, ce nouvel impôt doit être consensuel, c'est-à-dire qu'il ne peut se bâtir sans l'assentiment des trois acteurs que sont les collectivités locales, les entreprises et l'Etat. Enfin, il doit préserver le lien fiscal entre les entreprises et le territoire sur lequel elles agissent et créent de la valeur, et sans lequel elles risqueraient de n'être vécues que comme une nuisance.

Un tel "mouton à cinq pattes" répondant à ce cahier des charges existe peut-être dans les cartons de Bercy. Il s'agit des conclusions de la commission présidée par Olivier Fouquet, qui avait ébauché une piste de réforme assez consensuelle où l'impôt local des entreprises reposerait pour une part sur une assiette foncière, et pour une autre part sur la valeur ajoutée produite. Le principal obstacle qui a empêché sa mise en ?uvre a été l'importance des transferts de charges entre contribuables et de ressources entre les collectivités locales que cela supposerait.

Mais il faut impérativement franchir cet obstacle. C'est pourquoi la solution pourrait passer, en premier lieu et rapidement, par une simulation "grandeur nature" de ces transferts permettant de les estimer précisément, et une entrée en vigueur progressive par un lissage sur un nombre d'années suffisant pour rendre la réforme supportable. Dans un premier temps, ce lissage pourrait s'opérer avec l'aide de l'Etat, ce qui permettrait d'en réduire la durée. Ainsi la TP pourrait être réellement supprimée dès 2010 et remplacée aussitôt par un prélèvement moderne équilibré et accepté par tous, car équitablement réparti.