Sortie de crise : les atouts de la retenue à la source

Par Arnaud Chastel et Nicolas Jacquot, avocats associés (Landwell)  |   |  660  mots
Par Arnaud Chastel et Nicolas Jacquot, avocats associés (Landwell).

En évoquant la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu ou d'un tiers provisionnel, le président de la république a placé le débat fiscal au c?ur de la sortie de crise. Alors, quitte à mettre la fiscalité sur la table, allons jusqu'au bout. Et étudions la retenue à la source, qui présenterait le double avantage d'être une avancée sociale et une mesure de relance sans coût immédiat pour le budget de l'État.

En faisant prélever l'impôt sur le revenu par un tiers payeur, l'employeur par exemple, au moment des versements de revenus, et non plus un an après la perception des revenus, on favoriserait l'adaptation immédiate du montant de l'impôt aux variations et à la réalité des revenus. Ce qui serait particulièrement appréciable pour des personnes connaissant d'une année sur l'autre des variations importantes de leurs revenus, par exemple en cas de perte d'emploi ou de départ à la retraite.

Pour ces dernières, le paiement de l'impôt au moment où elles subissent une baisse de leurs revenus peut provoquer de grandes difficultés financières. En 2007, plus de 8 millions de personnes ont vu leur taux d'imposition diminuer d'une année sur l'autre. Dans un contexte de dégradation de l'emploi, la mise en place de la retenue à la source constituerait ainsi une véritable avancée sociale.

Ce serait aussi une vraie mesure de relance. Les études qui ont été menées à la demande des gouvernements successifs, et notamment la dernière en 2007, montrent que la réussite du passage à la retenue à la source nécessite d'exonérer immédiatement une année de revenus. Sans cela, les Français devraient payer, l'année de la mise en ?uvre du nouveau système, deux années d'impôt sur le revenu?! A l'inverse, supposons que le prélèvement à la source soit mis en place en 2011, les revenus de 2010 ne seraient pas imposés. En 2010, ils paieraient leur impôt sur les revenus 2009, et en 2011 leur impôt sur les revenus 2011.

Pour la trésorerie de l'Etat, il n'y aurait ainsi pas de discontinuité. Pour les contribuables non plus. Sauf que les revenus d'une année, 2010 en l'occurrence, n'auraient pas été prélevés, ce qui présente un avantage énorme pour le pouvoir d'achat au moment où l'on espère sortir de la crise.

C'est le miracle du passage à ce système, dont les conséquences financières pour l'Etat ne se voient en fait qu'au moment du décès de chaque Français. A l'inverse, de manière immédiate, le passage à la retenue à la source permettrait à l'Etat d'améliorer le rendement de l'impôt de 2,5 milliards?!

Bien sûr, pour prévenir les comportements abusifs d'optimisation fiscale sur les revenus autour de l'année de transition, il faudrait - et c'est possible - mettre en place des garde-fous. Le contexte est d'autant plus adéquat pour la transition à la retenue à la source que des changements récents, à l'initiative du gouvernement, peuvent la faciliter?: plafonnement des "niches fiscales", fusion de la DGI et de la DGCP...

Des solutions existent pour prévenir les inconvénients de mise en place d'un tel système, en particulier pour préserver la confidentialité des données personnelles des contribuables que les tiers payeurs, les entreprises principalement, ne devraient pas connaître.

Ou encore pour minimiser la charge administrative et le coût pour ces dernières, a fortiori dans une situation de dégradation économique où le risque de leur défaillance pourrait se trouver accru.

Avec pédagogie, on pourrait, les premières années de la réforme, apaiser la crainte des contribuables de voir leur rémunération nette perçue mensuellement baisser. Il faut entre dix-huit et vingt-quatre mois pour passer à un tel système?: le moment est venu pour lancer les travaux?!