L'Iran, passage diplomatique obligé pour Washington

Par Djilali Benchabane, chercheur et spécialiste du golfe arabo-persique (A publié "Sunnisme et chiisme : peut-on parler d'une opposition ?", "Revue de la défense nationale", mai 2007).

Depuis la mise en place de la nouvelle administration Obama, les Etats-Unis semblent s'orienter vers une nouvelle approche diplomatique du monde arabo-musulman fondée sur le dialogue. Cette approche, tant souhaitée par la France et l'Europe, ouvre de nouvelles perspectives et renoue avec l'esprit du multilatéralisme espéré après la chute du mur de Berlin.

Les Etats-Unis sont aujourd'hui confrontés à une transition monopolistique, signe d'un réajustement progressif des rapports de puissance dans le monde. L'Irak et l'Afghanistan ont montré les limites de l'interventionnisme américain et ses conséquences (coût financier, humain, image belliqueuse dans le monde, atteinte au "soft power", etc.). C'est cette dynamique transitionnelle qui influence pour partie l'actuel néopragmatisme de la politique étrangère américaine.

Le retour d'une diplomatie américaine plus consensuelle ne signifie pas pour autant l'abandon des principes de la diplomatie américaine (non-prolifération nucléaire, terrorisme transnational, protection d'Israël, etc.), mais plutôt le partage des responsabilités mondiales. Dans un proche avenir, un réchauffement rapide de la relation américano-iranienne est fort probable.

L'Iran est en effet incontournable dans la plupart des dossiers moyen-orientaux qui préoccupent Washington : Liban, Afghanistan, Irak, ou encore Hamas. A ce titre, et bien qu'isolé sur la scène internationale par le dossier nucléaire, l'Iran est invité aux diverses rencontres internationales sur ces questions. C'est cette approche que semble privilégier Washington, afin de renouer le dialogue avec Téhéran.

La puissance iranienne pourrait être un atout majeur pour l'Occident dans un monde arabo-musulman en transition. Dans cette politique d'ouverture, la France a un rôle central à jouer. Le retour de la Syrie dans le jeu international lors de la présidence française de l'Europe a montré les gains politiques (position plus conciliante de la Syrie à l'égard du Liban, modération du Hezbollah) que l'on pouvait espérer en pariant sur le dialogue. L'établissement d'une relation apaisée avec l'Iran aurait les mêmes vertus, mais avec un rôle stabilisateur plus important.

En outre, le retour de l'Iran sur la scène internationale pourrait créer les conditions d'un remodelage politique au Moyen-Orient que l'ancienne administration Bush appelait de ses v?ux. Par remodelage, il faut entendre ici reconfiguration à partir d'un processus de modernisation politique régionale, dont l'Iran pourrait être le point de départ. En effet, le clivage sunnite-chiite entre puissances régionales (Iran, Arabie saoudite, Egypte), loin d'être un facteur purement déstabilisant, peut être un atout s'il est bien utilisé.

La normalisation par Washington des relations avec l'Iran sous-tendrait un nouveau partenariat politique, énergétique et sécuritaire qui obligerait certains Etats de la région à accélérer leur modernisation. Cette crainte n'est peut-être pas étrangère au récent remaniement gouvernemental opéré par l'Arabie Saoudite en faveur de figures libérales, dont, pour la première fois, une femme ministre.

La théorie des dominos dont rêvaient les Etats-Unis pour changer le Moyen-Orient n'est plus une chimère mais, à défaut de partir d'un Irak pro-américain, elle serait impulsée par un Iran réintégré dans le concert des nations. La France, par son image dans le monde musulman et sa relation avec l'Iran (la France a accueilli durant son exil l'imam Khomeiny), pourrait servir de relais entre les Etats-Unis et le régime de Téhéran.

Au-delà des gains politiques, le monde musulman mais également la communauté internationale gagneraient à voir un Iran pragmatique de retour sur la scène internationale.

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Commentaires 20
à écrit le 23/10/2014 à 14:03
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ce pays a bien plus faim de capitaux, que de religion: il n'y a qu'à voir sa volonté d'attirer les investisseurs étrangers!

à écrit le 11/03/2014 à 12:18
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ça à l'air faisable sur le papier mais ça promet pas mal de rebondissements vu la côte du pays sur la scène régionale!

à écrit le 08/03/2014 à 0:10
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bonne lecture de la situation en Iran!

à écrit le 05/03/2014 à 1:25
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La stabilite au moyen- orient est a portee de main, c 'est toujours à ce moment là que quelqu'un ou quelque chose vient tout torpiller ! Qui va être l'heureux élu ??

à écrit le 04/03/2014 à 0:58
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ça sert à rien d'essayer de comprendre les choix de nos décideurs sur la scène internationale, comme d'hab circulez y rien à voir!

à écrit le 02/03/2014 à 22:19
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la géopolitique est un outil à la disposition du prince, le politique a toujours le dernier mot. Le bon sens est une chose, le choix de suivre ou pas des analyses - aussi justes soient elles - est un autre débat...

à écrit le 24/02/2014 à 12:05
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A la lecture de cet article, une seule question me vient à l'esprit: pourquoi allons-nous à rebours de l'histoire et de nos propres intérêts diplomatiques et économiques ? Cette analyse date de 2009, pourquoi n'a t'on pas su voir ou voulu entrevoi...

à écrit le 23/02/2014 à 20:26
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Une analyse plus que juste et parfaitement d'actualité.

à écrit le 23/02/2014 à 16:44
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Cet article reflète fidèlement le climat actuel de dialogue qui s'instaure entre la communauté internationale et l'Iran. On ne peut que reconnaître la justesse d'anticipation de l'analyse. Bravo!

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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On se rapproche du scénario évoqué dans cet article, et la nouvelle main tendue de Washington va certainement avoir un impact sur le régime iranien.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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JE L'AIME CE CHERCHEUR !!!!!!!!

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Une question me vient à l'esprit en lisant cet article, comment les iraniens vont-ils pouvoir dépasser leur réthorique anti-américaine, alors qu'elle constitue l'un des fondements de leur politique étrangère...?

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je rejoins l'approche de M benchabane qui est l'un des rares chercheurs à mettre en avant la dimension stabilisatrice de l'iran au moyen-orient. La France va t-elle saisir cette opportunité ?

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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En effet, l'Iran apparaît comme un des éléments de stabilité du Moyen Orient et un partenaire essentiel à long terme pour les occidentaux. Monsieur Benchabane est très pertinent à propos du lien entre les nouvelles opportunités offertes à l'Iran et l...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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L'Iran comme élément du renouveau régional, pourquoi pas car après tout ce pays dispose d'un potentiel intéresant. Il serait dommageable pour nos intérêts (politiques économiques) de laisser les Etats-Unis bénéficier seul d'un retour de l'Iran sur la...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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L'avenir est souvent fait d'incertitudes et plus encore dans le domaine des relations internationales. Monsieur Benchabane a néanmoins raison lorsqu'il met en avant la possible modernisation de cette région par l'Iran. Les acteurs régionaux que son...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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un propos intéressant et en plus le chercheur a l'air plutôt bel homme d'apès la photo du journal. Me voici réconciliée avec le monde de la recherche. A quand une intervention télé de mr Benchabane ?

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Les derniers propos du président iranien vont vers l'apaisement et semblent conforter l'analyse de mr Benchabane. Je me demande toutefois comment va réagir israël vis à vis de l'Iran ?

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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les américains ont l'air de faire des concessions dans leur politique envers le monde musulman. Reste à savoir si le prochain président iranien leur emboîtera le pas..?

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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L'annonce d'une réunion sur l'Afghanistan sous l'égide des Etats Unis avec pour partenaire l'Iran corrobore l'analyse de cet article. Une ouverture américano-iranienne par le prétexte régional semble plus que jamais d'actualité.

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