L'éclipse du secret bancaire suisse

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Par Sophie Gherardi, directrice adjointe de le rédaction de La Tribune.

C?est une très vieille institution qui vacille. Le premier texte de loi protégeant le secret bancaire suisse remonte à 1713. En 1984 encore, près des trois quarts des électeurs helvétiques ont voté pour son maintien. Pourtant, en obligeant la banque UBS à leur livrer les noms de 250 à 300 déposants américains soupçonnés de fraude fiscale, les Etats-Unis viennent d?ouvrir une sacrée brèche dans le coffre-fort - c?est la troisième depuis 2000, et de loin la plus importante.

Avec réticence, l?Autorité de surveillance des marchés financiers (Finma) a donné son accord à UBS pour cette transaction avec le fisc américain : outre la divulgation des 250 noms, la banque de Zurich paiera dans l?immédiat 780 millions de dollars d?amende. Mais en échange, elle n?obtient que la suspension des poursuites pour dix-huit mois. Et il reste 52.000 clients dans le collimateur des autorités américaines (pour la protection desquelles la banque affirme vouloir se battre devant la justice).

Le Conseil fédéral helvétique a publié hier un communiqué expliquant que c?est "dans l?intérêt de la stabilité du système financier aussi bien suisse qu?international" qu?UBS avait accepté les conditions américaines. La menace qui pesait sur l?établissement n?était pas mince : il risquait de devoir fermer sa très importante filiale américaine. Dans le contexte actuel, c?était la mort.

N?empêche, le président de la Confédération lui-même a redit de toutes ses forces que le secret bancaire était maintenu. Car déjà, à Bruxelles, on est d?avis que l?affaire fera jurisprudence et que la Suisse devra accorder à d?autres Etats ce qu?elle vient de concéder à l?Amérique. Non, se défendent les Suisses, notre loi nous l?interdit.

Le code pénal suisse punit de prison et de lourdes amendes ceux qui divulguent le secret des affaires, surtout s?ils coopèrent avec un pays étranger. Et cette discrétion financière proverbiale n?a pas toujours servi à couvrir des turpitudes. La loi fédérale sur les banques a inscrit la protection du secret dans le code pénal dans un contexte très particulier : la Gestapo avait envoyé des espions en Suisse pour démasquer les citoyens allemands qui y abritaient leurs biens, les juifs persécutés étant évidemment les premiers visés. Quatre d?entre eux furent exécutés sous ce prétexte par le régime nazi en 1934 et c?est la raison pour laquelle les autorités suisses décidèrent de punir très sévèrement la coopération avec un Etat étranger.

Il y a peu de chances que ce rappel historique suffise à attendrir les Etats-Unis. Ou d?ailleurs les autres pays du G20, à qui la crise financière offre enfin l?occasion de faire rendre gorge aux paradis fiscaux.