La raison d'État

Par Bruno Segré, rédacteur en chef à La Tribune.

Le président de la République ne le souhaitait pas ? force est de constater qu'il perdrait, dans cette affaire, une, sinon, la pièce maîtresse de son dispositif élyséen dans la gestion de la crise financière, du plan de relance de l'économie française et de la politique industrielle française. François Pérol n'était au demeurant pas candidat - à chaque évocation ces derniers mois de son nom dans le dossier, il opposait à cette "incongruité" des démentis sans la moindre ambiguïté. Et pourtant, il y va. Car la raison d'État le lui commande aujourd'hui.

En effet, si en France, le secteur bancaire dans son ensemble apparaît dans l'immédiat en moins mauvaise posture qu'en Grande-Bretagne, en Allemagne ou aux États-Unis, il n'en demeure pas moins qu'avec Dexia d'un côté et, de l'autre, Natixis, la banque de financement et d'investissement filiale commune de l'Écureuil et des Banques Populaires, il couve aujourd'hui en son sein les germes de deux risques systémiques majeurs. Chez Dexia, l'État français, en accord avec son homologue belge partie prenante dans le dossier, a pris, à l'automne, les dispositions que commandait l'urgence de la situation?: il a placé aux commandes de la banque, en lieu et place d'un tandem à bout de souffle sinon en bout de course, Pierre Mariani, proche du chef de l'État considéré comme l'homme de la situation.

Pour Natixis, il avait, à l'automne également, considéré que le remède à une situation pas encore totalement désespérée devait être trouvé dans le rapprochement des organes centraux des deux maisons mères, la Banque Fédérale des Banques Populaires et la Caisse Nationale des Caisses d'Épargne. D'une pierre deux coups?: l'union faisant la force, cette fusion allait au passage, en pleine crise financière, donner naissance au deuxième groupe bancaire français. De quoi, face à un naufrage manifeste, laisser avec un peu de chance au citoyen et contribuable non pas le goût amer d'un sauvetage périlleux mais l'illusion d'une opération majeure, salutaire pour le paysage bancaire, conduite si possible avec panache. Mais pour y parvenir, il eût fallu que les "bleus" (les Banques Populaires) et les "rouges" (les Écureuils) s'assoient sur leurs "ego" démesurés et portent d'une seule voix ce projet somme toute très ambitieux.

Mais rien n'y a fait. Pas même les rappels à l'ordre répétés au plus haut niveau de l'État. Ni même la présence de Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, placé en position d'arbitre dans la dernière ligne droite des tractations. Pour garantir la bonne exécution de cette fusion, l'Élysée a donc choisi en dernier recours de donner de sa personne. Et quelle personne?! La légitimité de François Pérol est incontestable. Même si au regard de la déontologie, des politiques vont vraisemblablement crier au scandale. En attendant, dans la croisade de l'État pour moraliser le capitalisme et ses principaux acteurs, banquiers et grands capitaines d'industrie, un homme a réellement été à la man?uvre et en première ligne?: François Pérol.

 

 

 

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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S'étonne-t-on de la popularité du sieur Sarkozy ?Mariani pour Dexia (les Belges ont apprécié croyez-moi),Perol au conglomérat;tiens : quelle est la définition de la ploutocratie ?

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