Aider les emprunteurs sans oublier les banques

Barack Obama a présenté son plan destiné à soutenir le marché immobilier et à limiter les saisies de logements. Il devrait faciliter le refinancement des dettes détenues par la classe moyenne et permettre aux plus vulnérables de rester dans leur logement. Il consolide Freddie Mac et Fannie Mae et offre une aide indirecte aux banques. Il sera néanmoins sans effet sur le secteur immobilier.

Annoncé la semaine dernière, le plan Obama sur l'immobilier résidentiel américain s'apparente à un plan social visant la tranche basse de la classe moyenne américaine. Un segment de population assez proche de celui concerné par les mesures proposées par Nicolas Sarkozy en France le 18 février. Sauf que, aux États-Unis, l'attention se porte exclusivement sur les propriétaires de leur logement.

L'immobilier américain est en crise depuis la fin de l'année 2006, date à laquelle la hausse interrompue des prix des maisons stoppa net, empêchant les nouveaux propriétaires de refinancer, comme auparavant, leurs crédits et par conséquent de s'acquitter de leurs traites. Résultat, les encours de crédit immobilier ont chuté en deux ans, passant de 13.800 milliards de dollars à la fin 2006 à 10.500 milliards et le nombre de familles en faillite personnelle ou dont le logement a été saisi a grimpé aussi vite pour atteindre 934.000 l'an dernier contre 727.000 un plus tôt.

La nouvelle administration américaine tente donc d'endiguer l'hémorragie, non pas de l'immobilier, mais des quelque 5 millions de personnes qui présentent ou peuvent présenter des difficultés à payer leurs mensualités. L'objectif est de ramener le ratio mensualité/revenu à un niveau plus "soutenable", soit 31 %, au-delà duquel le gouvernement considère aujourd'hui qu'il est devenu impossible de rembourser ses dettes immobilières. Il s'agit là d'un réajustement drastique si l'on considère que, aux beaux temps de la bulle immobilière, ce ratio pouvait atteindre 55 % selon les propres critères des organismes prêteurs. Un chiffre bien évidemment aberrant mais qui tenait compte du fait que l'immobilier était en mode de "machine de Ponzi", comme on dit maintenant pour rendre hommage à Carlo Ponzi, le champion américain de la cavalerie financière en 1919 et 1920 !

La cheville ouvrière de ce plan reste Fannie Mae et Freddie Mac, ce qui est une mesure logique car ce sont bien les prêts qui furent titrisés par ces deux institutions qui sont visées par le plan immobilier. Ces "government-sponsored entities" (GSE) sont désormais quasi nationalisées, mais pas suffisamment cependant pour que les acheteurs habituels des "residential mortgage-backed securities", les titres adossés à des crédits immobiliers qu'elles émettent, soient totalement rassurés. De fait, la garantie proposée par le gouvernement sur ces titres demeure encore "implicite". Les GSE reçoivent néanmoins 200 milliards de dollars, sur les 275 milliards du plan, afin d'aider les emprunteurs "les plus solides" à refinancer leur prêt pour obtenir de meilleures mensualités, toujours dans la perspective du plafond de 31 % des revenus.

Le solde, soit 75 milliards de dollars, sont à la disposition des établissements de crédit pour soutenir les ménages les plus fragiles. Soit, au total, quelque 15.000 dollars d'aide publique par propriétaire en difficulté. Ce qui ne veut pas dire que ces sommes tomberont directement dans la poche des ménages. Ce sont avant tout les prêteurs qui seront récompensés : 1.000 dollars par prêt revu à la baisse et 1 .000 dollars supplémentaire par an pendant cinq ans si l'emprunteur ne jette pas l'éponge. Ces incitations rappellent que le secteur bancaire américain demeure privé, qu'il n'a pas d'ordres à recevoir, mais qu'il accomplira comme à son habitude toute tâche de service public si elle est généreusement rémunérée.

Les autorités américaines, suspectées d'avoir tiré d'affaire à bon compte les banquiers responsables de la crise, prennent cette fois-ci deux précautions plutôt qu'une pour ne venir en aide qu'aux ménages plus méritants. Seuls ceux qui habitent le logement dont ils sont propriétaires peuvent ainsi bénéficier du plan d'aide, les spéculateurs restent donc sur la touche. Et le gouvernement prend soin de tenter de ne sauver que ceux qui présentent une chance raisonnable de l'être ! Pour bénéficier d'un refinancement de son crédit, il est en effet impératif que le montant restant du crédit ne dépasse pas 105 % de la valeur de marché du bien immobilier. Les plus endettés sont renvoyés à un autre programme piloté par le ministère du Logement, notamment ceux dont les remboursements de l'ensemble des dettes dépassent 55 % du revenu.

Reste à savoir combien parmi ces 5 millions de ménages visés seront effectivement sauvés. Les conditions du refinancement sont strictes : plus de documents falsifiés cette fois-ci, comme au bon temps de la bulle. Et il s'agira là sans doute du test le plus exigeant pour une part non négligeable des emprunteurs aujourd'hui en difficulté.

Quant à un véritable plan sur l'immobilier, destiné à sauver le secteur, plutôt que comme ici, ses clients les plus vulnérables, il faudra encore attendre. Car les prix du marché n'ont certainement pas atteint leurs plus-bas. Les prix ont certes baissé globalement de 25 % depuis le début de la crise mais ils avaient augmenté de 50 % depuis le début de la bulle en 2002. Pour revenir à ces niveaux, il faut donc s'attendre à une nouvelle baisse, de l'ordre de 8 %. Le rebond du secteur immobilier résidentiel ne pourra être envisagé que sur cette base. Du moins pour que le rêve américain du "tous propriétaires" soit à nouveau accessible. C'est l'un des raisons qui explique pourquoi l'administration Obama se hâte lentement sur le front de l'immo- bilier.

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