Le paradoxe de la dette publique

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Par Sophie Gherardi, directrice adjointe de la rédaction de La Tribune.

La récession se traduira par un alourdissement spectaculaire de la dette publique. Celle-ci atteindra, d'après le gouvernement, près de 78% du produit intérieur brut en 2010-2011, date qu'il retient pour le retour de la croissance. Si, comme toute hypothèse officielle, celle-ci pèche par optimisme, une dette d'au moins 80% du PIB est ce qui nous pend au nez.

Peut-on l'éviter ? Non. Est-ce grave ? Oui. On ne peut pas éviter la dégradation des comptes publics dans une récession : d'abord parce que la contraction de l'activité réduit automatiquement les recettes fiscales, ensuite parce que les dépenses augmentent. Elles augmentent par la hausse des prestations de solidarité et, dans le cas présent, du fait du plan de relance de l'économie, ô combien nécessaire.

Ceci dit, il serait irresponsable de faire valser les milliards sans se poser la question de l'après. Barack Obama, après avoir fait voter 787 milliards pour stimuler l'activité, a annoncé hier qu'il voulait faire 40 milliards d'économies. Pendant la relance, on ne rase pas gratis. La gauche dans l'opposition est si constante dans ses appels à dépenser plus que certains en viennent à considérer que le déficit est bon en soi. C'est oublier son mode de financement.

Pour combler les trous, l'état emprunte. à qui ? Aux rentiers du monde entier. Plus la dette grossit, plus la part du budget consacrée au remboursement augmente, au détriment des écoles, de la recherche, de la justice, de la santé, de la culture. L'argent des impôts partira vers la Chine, les fonds de pension japonais, les pétromonarchies ou tout bonnement les placements des Français les plus aisés. Comme lendemains progressistes, on fait mieux.

Il y a un autre effet, plus immédiat, créé par la dette. C'est ce que les économistes appellent "l'équivalence ricardienne". Prévoyant qu'après la relance viendra la hausse des impôts, les ménages épargnent au lieu de consommer. On observe précisément cela aux états-Unis. En janvier, le taux d'épargne y est monté à 5%, son plus haut niveau depuis 1995.

Pour que l'argent déboursé par l'état serve bien à la relance, il faut que les citoyens aient confiance non seulement en demain, mais en après-demain. Voilà pourquoi le discours sur la discipline budgétaire - celui de Fillon, Barroso ou Obama - est indispensable, au moment même où on ouvre les vannes.