Affaire Pérol, beaucoup de bruit pour rien

Par Pascal de Lima  |   |  668  mots
Par Pascal de Lima, économiste, maître de conférences à Sciences po (coauteur avec Jacques Attali de "Voyage au cœur d'une révolution. La microfinance contre la pauvreté", Editions Lattès, 2007).

En France, ceux qui crient au complot n'ont jamais de mal à trouver une large audience. La récente dépêche qui annonçait la nomination de François Pérol à la tête de la nouvelle entité Banques Populaires-Caisses d'Epargne ne fit hélas pas exception à cette règle.

On les avait d'abord vus s'insurger contre les profits excessifs des banques, alors que ceux-ci étaient essentiellement dus à des activités de marché et pas de banque de détail. On les a ensuite entendus grogner à propos des salaires et des bonus des banquiers, et in extenso ceux du patronat, dénonçant ces montants exorbitants comme immoraux, accusations pour le coup plutôt valides.

Puis quand vint la crise, et avec elle la fin de l'euphorie qui régnait sur ces marchés, les banques commencèrent à engranger des pertes et des dévalorisations record mettant sérieusement en danger leur solvabilité. Et encore une fois, lorsque l'Etat décida de venir au secours des banques, on revit les mêmes dénoncer un système biaisé en faveur des puissants et brandir la fameuse rengaine : "on privatise les profits et socialise les pertes", une formule efficace mais simpliste résumant à elle seule tous les fantasmes que l'on peut entretenir sur les connivences politico-industrielles.

La nomination à la tête de la nouvelle deuxième banque française du conseiller économique du président de la république ne pouvait, en toute logique, éviter les foudres des diseurs de bonne morale et autres "snipers" anti-Sarkozy. François Pérol, chef du bureau des marchés financiers à la direction du Trésor de 1996 à 1999, puis secrétaire général du Club de Paris, sous-directeur du financement et du développement des entreprises au Trésor en 2001, directeur adjoint du cabinet de Francis Mer en 2002, puis de Nicolas Sarkozy, au ministère de l'Economie, et associé gérant de Rothschild & Cie Banque pendant plusieurs années avant d'être l'un des chefs d'orchestre de la réplique publique exceptionnelle rendue nécessaire par une crise tout aussi hors norme ne serait pas légitime pour prendre les manettes du nouvel ensemble mutualiste ? On croit rêver.

Mais alors, qu'était-il préférable de faire ? Confirmer un de ces dirigeants actuels qui n'ont pas réussi à imposer une vision de long terme ? Garder un de ceux qui ont participé à la débâcle financière actuelle, dans l'une des banques aujourd'hui réunies ou dans une autre. Au regard de la tempête bancaire actuelle, qui peut affirmer que les dirigeants bancaires qui auraient pu prétendre à sa place ont fait la preuve d'une compétence supérieure ?

Mais parce que sa compétence ne saurait être mise en cause, on l'attaque sur le terrain de l'éthique, cette science de la morale, c'est-à-dire de la définition du bien et du mal. Vaste sujet ! En quoi un homme d'expérience, qui a contribué, sans pour autant le piloter de près et n'être affecté qu'à cette tâche (loin de là !), au rapprochement des deux banques, s'inscrirait-il dans une démarche de conflit d'intérêts. Au contraire, il va prolonger son action en tentant de remonter ces deux destins bancaires en perdition. Ce qui est plutôt leur intérêt. C'est aussi l'intérêt des contribuables, qui ont financé l'injection de près de 5 milliards d'euros dans ce groupe et qui sont légitimes à obtenir, en contrepartie, un changement de management et un contrôle réel de la stratégie des années à venir.

Dans cette affaire, trop de politiques, comme François Bayrou, ont fait passer leur stratégie personnelle avant la raison. Michel Rocard était, une fois de plus, beaucoup plus lucide en affirmant que cela ne le choquait guère. Plutôt que de le juger, souhaitons donc à François Pérol bonne chance, car nous en avons - et notamment les actionnaires du nouvel ensemble - tous besoin.