La Guadeloupe en cogestion

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Par Sophie Gherardi, directrice adjointe de la rédaction de La Tribune.

Une chose est sûre, à la lecture de l'accord signé dans la nuit de jeudi à la Guadeloupe : ces gens ont travaillé. Beaucoup et sérieusement. Les 170 points de l'accord sont tout sauf des v?ux pieux ou de vagues énoncés de principes. Ce sont des engagements concrets, datés, chiffrés, vérifiables.

Il y est question du prix de la baguette, du chariot de la ménagère, du prix du litre d'essence et du mètre cube d'eau, des tarifs des transports et de la régularité de la desserte, de la facturation à la seconde pour les téléphones portables, de billets d'avion moins chers pour les familles modestes, mais aussi de la formation des jeunes, de l'emploi des handicapés, des loyers HLM, de la rénovation du CHU et de la construction de logements sociaux?

De l'argent public va être engagé à tous les niveaux. Mais toutes ces sommes ne sont pas à classer dans la catégorie "assistance" : l'Etat s'engage par exemple à augmenter le nombre d'inspecteurs de la concurrence, à informer le public sur l'évolution des prix des services bancaires, à rénover les réseaux de distribution d'eau. La région s'engage à baisser l'octroi de mer, cette taxe qui fleure l'Ancien Régime, sur les produits de première nécessité, et à augmenter les bourses des étudiants.

Le conseil général abaissera les taxes d'habitation et foncière, mais contrôlera que chacun paie sa part. Les cantines scolaires proposeront "plus de 50% de produits issus de l'agriculture locale", c'est même le point 1 de l'accord. Mais au fond, le point le plus important est peut-être le tout dernier, la "clause de revoyure" : une commission de suivi de l'accord sera mise en place, avec 4 membres pour le LKP, 4 pour l'Etat et 4 pour les collectivités locales.

La fin de ce conflit social de 44 jours, le plus long de mémoire d'Antillais et de Français, marque aussi le début de quelque chose : une sorte de cogestion entre le collectif syndical et les pouvoirs publics. Le risque ? Qu'après une phase de dynamisme postmouvement, les acteurs s'installent dans une connivence nonchalante et opaque.

Et le tissu économique privé, dans tout ça ? Il n'apparaît qu'en filigrane dans l'accord du 4 mars, et toujours sous l'angle de la surveillance : on tiendra à l'?il les distributeurs, les importateurs, les grossistes, les transporteurs, les banquiers et les opérateurs de téléphonie mobile. Toute la méfiance du monde. Celle qui imprègne aussi l'autre accord, celui sur les salaires, signé le 27 février, et que beaucoup de patrons refusent toujours.