Le Net, le contenu et l'accès

Par vsegond@latribune.fr  |   |  467  mots
Par Valérie Brunschwig-Segond, de La Tribune.

Pourra-t-on revaloriser la propriété intellectuelle des ?uvres ? C'est tout le pari de la loi "Création et Internet" débattue à partir de ce soir au parlement, et de son dispositif de "riposte graduée". Un pari particulièrement audacieux alors que, depuis dix ans, tout concourt à dévaloriser la création : la dématérialisation des ?uvres d'abord ; le développement de la gratuité des contenus ensuite, qui a permis de surfacturer l'accès à Internet, et ainsi de financer l'investissement des opérateurs en réseaux numériques et en bande passante.

Enfin, les fantastiques gains de productivité de toute la chaîne informatique de l'Internet qui ont permis à l'internaute de télécharger toujours plus vite, donc toujours plus. De tout ceci, il est résulté une tolérance sociale pour le piratage, et une extraordinaire impunité des pirates, devenus dans l'imaginaire collectif de sympathiques poils à gratter du système.

Comme si, pour financer le déploiement d'Internet, on avait, par une sorte de consensus social, accepté de sacrifier le copyright. Comme si, pour financer l'accès, on avait renoncé à la valeur du contenu. A savoir la rémunération des auteurs et de toute la chaîne des ayants droit qui contribuent à la commercialisation des ?uvres. Maintenant que l'accès au haut débit est si répandu qu'il est devenu un quasi-service public, va-t-on pouvoir réhabiliter la propriété de la création ?

S'il est difficile de croire que les jeunes qui n'ont jamais payé leur musique s'y mettront spontanément, la riposte graduée, qui pour la première fois tient les abonnés pour responsables, les amènera-t-elle à changer de comportement ? Et ce, alors que la sanction pénale créée par la loi antipiratage précédente, et qui ciblait les réseaux professionnels moins nombreux, s'est révélée inapplicable. Cette nouvelle sanction n'aura d'effet qu'à plusieurs conditions.

Primo, pour que la menace soit prise au sérieux par le plus grand nombre, il faut que tout récidiviste soit effectivement sanctionné d'une suspension d'abonnement. Secundo, pour que les fournisseurs d'accès aient intérêt à investir dans le téléchargement légal, il faut qu'ils supportent intégralement le coût de la mise en ?uvre de la riposte graduée. Tertio, pour que les internautes de tout poil acceptent qu'il n'y ait pas d'?uvre sans auteur, pas d'auteur sans industriel de la diffusion, et que ce dernier ne peut exister sans "copyright", il faudra que le coût de l'accès baisse fortement.

En clair, qu'un nouveau consensus social émerge. En affirmant tout net que "le piratage, c'est le vol", la nouvelle loi invite à une redistribution radicale de toute la chaîne de valeur d'Internet. Et de cela, nous devons nous réjouir.