Comment la Pologne a enterré l'"homo sovieticus"

Pour l'opinion publique polonaise, la chute du mur de Berlin a été amorcée par Solidarnosc et l'action de Lech Walesa. Deux décennies après, la révolution politique sociale et économique a envoyé aux oubliettes la Pologne communiste, estime Marcin Zralek, correspondant de La Tribune à Varsovie.

"Le mur de Berlin est tombé à Gdansk, en 1980." Selon un récent sondage, un Polonais sur deux partage cette opinion de Tadeusz Mazowiecki, premier chef de cabinet non communiste après la libération de la Pologne du knout soviétique en 1989. "Sans notre formidable élan de liberté que fut le syndicat Solidarnosc, l'Europe ne serait pas réunie, la Pologne ne serait pas dans l'Otan ni dans l'Union européenne et notre économie serait toujours l'exemple d'une absurdité kafkaïenne. Aujourd'hui, les jeunes Polonais n'imaginent même pas qu'il fallait livrer à des magasins spécialisés de vieux journaux et papiers pour obtenir en échange du papier toilette", dit-il à La Tribune.

"Impensable. La chute du mur de Berlin a donné suite à une série de miracles", confirme la sociologue Lena Kolarska-Bobinska, directrice de l'Institut des affaires publiques, qui n'aurait jamais imaginé en 1989 que la Pologne du pacte de Varsovie allait, dix ans après, intégrer l'Otan, puis retrouver sa juste place en Europe, en adhérant à l'Union européenne le 1er mai 2004.

Et puis, il y eut aussi le fameux 17 septembre 1993, 54ème anniversaire de l'invasion de la Pologne par l'Armée rouge. Ce jour-là, sous l'?il allumé de Lech Walesa et le froncement de sourcils de Boris Eltsine, le dernier soldat soviétique quittait le sol polonais, après un demi-siècle d'occupation.

Mais les miracles ont avant tout eu lieu sur les plans sociaux, psychologiques et économiques. "En s'écroulant, le rideau de fer a enterré l'"homo sovieticus", mis au monde une classe moyenne polonaise, stimulé l'initiative économique et créé des milliers de PME et PMI", ajoute-t-elle.

Aujourd'hui, vingt ans après la transition économique, les Polonais semblent avoir oublié qu'ils étaient en 1989 tous "millionnaires" dans un pays en ruine. La plus grande valeur nominale des billets de banque était de deux millions de zlotys, avec une hyperinflation de 640% et des dettes étrangères de 42,3 milliards de dollars (64,8% du PIB). Le dollar est alors le seul garant d'une relative stabilité financière pour les ménages. "Avec mes zlotys, je pouvais acheter le mois donné un réfrigérateur et un lave-linge, à condition bien sûr de les trouver. Mais le mois suivant, avec la même somme en poche, il fallait choisir entre les deux", affirme un journaliste polonais.

Le gouvernement met alors en place le fameux "plan Balcerowicz", du nom de son ministre des Finances, Leszek Balcerowicz, qui applique ce que l'on appelle encore aujourd'hui en Pologne une thérapie de choc. Le plan, prévoyant une sévère discipline budgétaire, un contrôle monétaire efficace, un cours des changes équilibré, une lutte sans merci contre l'inflation et des privatisations massives, sortira la Pologne de la grisaille communiste pour en faire un pays d'une économie libérale à l'occidentale.

Malgré les énormes difficultés liées à la transition (récession, chômage, dépenses sociales effrénées), il aura suffi d'une décennie pour que la Pologne puisse se vanter de ses résultats en commerce extérieur, mette fin à l'hyperinflation, mette en place un système bancaire efficace et attire les investissements étrangers.

L'"homo sovieticus" est mis aux oubliettes : 600.000 entreprises ont été créées en deux ans, avec un million et demi de nouveaux emplois. Les institutions financières européennes et mondiales font confiance à Varsovie en accordant des crédits sur de bonnes conditions. La porte vers une nouvelle Europe est ouverte. Et une autre se ferme, avec ce que certains appellent un "nouveau rideau de fer".

Dix-huit ans après la chute du mur de Berlin, avec l'ouverture de l'espace Schengen à neuf nouveaux Etats membres, dont la Pologne, les frontières de l'Europe occidentale s'ouvrent à 75 millions d'Européens de l'Est. L'ancien rideau de fer n'est plus qu'un mauvais souvenir. Sauf pour les Ukrainiens, Russes et Biélorusses qui parlent d'un nouveau "mur" à l'Est.

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Commentaires 3
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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>>> Henry Oui, il est dans l'hymne polonais lui même : "Bonaparte nous a donné l'exemple, Comment nous devons vaincre". D'ailleurs beaucoup de polonais admirent Napoleon.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La pologne a énormément souffert dans son histoire. Je lui tire un coup de chapeau pour les efforts qu'elle entreprend pour se relever.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Il n'y avait pas un compliment de napoléon Ier concernant les Polonais?

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