Pourquoi de telles fluctuations dans les cours des matières premières ?

Par Pierre Martin  |   |  652  mots
Par Pierre Martin, gérant du fonds DWS Invest Commodity Plus chez DWS Investments.

Le prix de l'or a récemment atteint de nouveaux sommets, le prix du baril de pétrole et du cuivre ont, quant à eux, été divisés par trois, celui du maïs par deux depuis l'été 2008. Comment expliquer ces écarts ?

L'or tout d'abord bénéficie d'un statut particulier. Il est à la fois considéré comme un métal précieux (avec un usage principalement en joaillerie et diverses applications industrielles), et comme une forme de devise qui représente un véhicule d'investissement. C'est actuellement ce second aspect qui remporte le plus d'engouement.

En effet, l'or a toujours cette aura de valeur refuge en temps de crise. Récession, baisse des prix de l'immobilier, chutes des cours boursiers, les investisseurs s'inquiètent pour la perte de valeur de leur épargne. De plus, les différents plans de sauvetage des banques et autres industries vont accroître les endettements et déficits budgétaires. Ce qui risque de modifier les capacités d'emprunts de certains Etats.

L'euro peut-il voler en éclats ? Ce sont des angoisses légitimes qui font que l'or physique apparaît comme la dernière valeur refuge pour les investisseurs particuliers. On ne recherche plus forcément le rendement mais la sécurité.

Le prix du baril de pétrole a certes connu une forte correction depuis l'été 2008, mais la faiblesse des cours actuels risque d'avoir des conséquences désastreuses pour la production à venir.

Nous ne manquons pas de pétrole, mais son extraction devient de plus en plus coûteuse. Il ne suffit plus hélas de creuser un trou dans le sable pour voir jaillir l'or noir. L'exploitation des gisements découverts lors des deux dernières décennies est extrêmement complexe et donc coûteuse. La faiblesse actuelle des cours du pétrole remet en question nombre de projets (eau profonde, pétrole lourd...) qui ne sont rentables qu'à des niveaux supérieurs à 75-80 dollars par baril.

La faiblesse des cours actuelle est due au recul de la demande (le premier depuis le début des années 1980). Mais lorsque l'économie mondiale redémarrera se posera à nouveau la question du prochain choc pétrolier. Hors Opep, certains projets ont été repoussés sine die. La production de certaines régions chute irrémédiablement (Mer du Nord, Mexique...). La production mondiale (hors nouveau gisement) décline de 5-6% par an. Toute baisse des investissements pourrait accentuer cette chute (en Russie notamment). Le prix du baril de pétrole pourrait s'envoler brutalement aux premiers signes de reprise économique mondiale.

Les céréales ont aussi vu leurs prix fluctuer fortement au cours des deux dernières années. La bulle spéculative ne les a pas épargnées. Mais, les prix se sont stabilisés à des niveaux largement supérieurs à ceux connus avant l'envolée des cours.

La demande de céréales est relativement peu sensible à l'activité économique. Les inventaires sont aux niveaux les plus bas depuis près de 30 ans. Le moindre phénomène entraînant un changement de l'équilibre offre/demande a des répercussions importantes sur les prix.

Ces dernières années, la production d'éthanol aux Etats-Unis, suite à de nouvelles règles concernant les carburants, a provoqué l'envolée des cours du mais. Une sécheresse en Australie a propulsé les cours du blé vers les sommets. Les surfaces arables étant relativement stables, les agriculteurs augmentent les surfaces dédiées aux céréales offrant les meilleurs rendements, au détriment des autres. Cela crée forcement des déséquilibres entre l'offre et la demande, notamment lorsque les inventaires ne peuvent combler une production déficiente. Seule une hausse des rendements par l'emploi généralisé d'OGM pourrait rééquilibrer ces marchés.

Les marchés de matières premières promettent donc d'être volatiles dans les années à venir.