Sortir de la crise avec un consommateur plus intelligent

La crise économique traduit aussi le changement brutal de comportement du consommateur. Celui préfère épargner, ayant pris conscience du caractère non soutenable de son rythme de dépense. Ce phénomène se double d'une remise en cause de l'utilité de la consommation au regard de nouveaux impératifs, comme la sauvegarde de la planète. Le retour de son intelligence sera sans doute le produit naturel de cette crise, estime Jean-Claude Seys, président de Covéa.

Le monde est confronté à une crise économique de grande ampleur : les consommateurs seraient-ils devenus insolvables par défaut de crédit bancaire ou en raison d'une baisse de leurs revenus ? Ce n'est pas le cas : les ménages semblent vouloir épargner au lieu de consommer, ce qui tendrait à prouver que l'absence de moyens financiers n'est pas la cause première de la crise.

En France, par exemple, celle-ci est devenue sensible à partir d'octobre dernier. La progression du crédit sur les neuf mois précédents était vive. Aucune baisse de revenu significative n'était encore intervenue, l'accroissement du chômage était encore limité et récent, le paiement des retraites assuré et les derniers dividendes versés par les entreprises atteignaient des niveaux record. Dans le même temps, la baisse du prix du pétrole au troisième trimestre libérait du pouvoir d'achat.

L'élément négatif le plus important aurait pu être la baisse des cours de la Bourse : aux Etats-Unis, la hausse des cours crée un effet de richesse qui incite les ménages à la dépense, et inversement pour leur baisse. Les sondages auprès des consommateurs français ont au contraire démontré une certaine sérénité par rapport à des fluctuations de cours considérées comme provisoires et réversibles. Si impact il y a eu, il ne peut qu'avoir été marginal au départ.

Tout se passe en fait comme si les consommateurs, alertés par les mauvaises nouvelles provenant des marchés financiers, avaient pris brutalement conscience du caractère excessif, artificiel et non soutenable d'une part importante de leurs dépenses et décidé de revenir en arrière. Trois phénomènes distincts semblent s'être conjugués pour provoquer cette réaction.

Depuis une quinzaine d'années, le pouvoir d'achat des ménages n'a guère évolué, la progression des revenus bruts étant absorbée par celle des impôts (CSG, CRDS, impôts locaux). Dans le même temps, certains postes de dépense ont connu une progression spectaculaire : téléphone, ordinateurs, énergie, loyers, assurance-maladie, etc. Ces évolutions se produisant d'une manière progressive, au fil des jours, les autres consommations se sont poursuivies quelque temps sans changement, portées par les habitudes : le moment est arrivé où la conscience de la nécessité d'un arbitrage s'est imposée brutalement.

C'est aussi l'occasion de reconsidérer les consommations anciennes et, pour chacun, de mesurer leur utilité réelle, par rapport à ses propres besoins et à ceux de la planète. On se rend compte que, depuis trente ans, on achète des voitures de plus en plus puissantes pour rouler de moins en moins vite, des quantités excessives de viande, de graisse, d'alcool et de sucre qui sont autant de billets pour le cimetière, etc. Cette réaction brutale est favorisée par la prise de conscience écologique : la plupart des consommations qui apparaissent désormais inutiles au consommateur individuel sont nuisibles à la planète et rendent problématique la vie des générations futures.

Enfin, une fraction importante de l'offre des entreprises apparaît de plus en plus décalée par rapport aux besoins de la société. Il suffit de regarder les journaux télévisés et les publicités qui les précèdent et suivent pour mesurer l'écart entre les besoins de la société qui transparaissent clairement dans les séquences d'information et l'offre des entreprises. Ainsi un constructeur automobile français avait-il récemment comme projet le lancement d'un 4×4, avec quinze ans de retard par rapport à ses concurrents, ce qui n'est pas glorieux, mais surtout dans l'inconscience totale des impératifs des quinze années à venir.

De la même manière, la distribution finit par avoir un coût excessif. Face à une population au budget contraint, le "low cost" et Internet font prendre conscience que la valeur d'utilité des produits peut être sensiblement inférieure aux prix demandés. En fait, la croissance, sur le long terme, est fondée uniquement sur l'arrivée sur le marché de nouveaux produits et services qui présentent un avantage pour le consommateur : service inexistant jusque-là ; même utilité pour un coût moindre ; utilité supérieure pour un coût identique.

Dès que le produit ou le service nouveau est installé, l'entreprise qui le met sur le marché en augmente le prix pour récupérer à son profit l'essentiel du "plus" offert au consommateur, voire aller au-delà en se créant une rente fondée sur une position dominante, ou sur marque forte, qui limite la concurrence et permet de pratiquer des prix relativement élevés.

La crise impose le retour aux fondamentaux. Les deux conditions principales d'une vraie sortie de crise, dont il est difficile d'accélérer la réalisation, sont donc:

- la conception d'une offre nouvelle de produits et services qui, dans cette phase de notre histoire, seront perçus comme légitimes et nécessaires. Les vrais besoins sont éternels : il faudra toujours s'alimenter, s'habiller, se loger, se déplacer, se distraire, mais que ces consommations soient moins coûteuses, conformes aux exigences écologiques et plus satisfaisantes sur le plan de la vie collective. Somme toute, plus intelligentes.

- la réalisation du plein emploi grâce à cette offre. La composante industrielle de l'activité économique baisse depuis longtemps et, dans cette nouvelle perspective, devrait continuer. C'est donc dans les services que l'offre devrait se diversifier et s'étoffer. Le miracle des TIC permet d'améliorer la productivité des équipements physiques et celle des services eux-mêmes, contrairement à un credo ancien.

Le pari de la bêtise du consommateur a fait fonctionner depuis longtemps la machine économique : c'est une valeur sûre qui ne disparaîtra pas, mais le prochain pari gagnant sera sans doute celui de son intelligence. Le retour de l'intelligence peut être le produit naturel des crises.

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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le titre de cet article est choquant car il est injuste - ce n'est pas les consommateurs qui sont responsables de cette crise qui pour certains est "utile à s'enrichir facilement " pendant que, ce qui est la force vive de la nation est mise sur le pa...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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"Le pari de la bêtise du consommateur"... voir dans la crise actuelle le résultat de la bêtise du consommateur aveuglé par son désir "fabriqué" de consommer plutôt que l'irresponsabilité scandaleuse des banquiers qui ont lui ont permis de céder à ses...

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