Valeo : hurler avec les loups

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Par Odile Esposito, rédactrice en chef à La Tribune.

Un secteur d'activité, l'automobile, qui subit une crise d'une ampleur totalement inédite. Un fonds activiste, Pardus, qui s'invite au capital en prétendant savoir mieux que quiconque quelle stratégie suivre pour le bien-être de l'entreprise. La tâche de Thierry Morin, l'ex-PDG de Valeo remercié vendredi par son conseil d'administration, n'a pas été de tout repos ces derniers mois. Et si on ajoute à cela l'arrivée dans ce dossier de l'Etat, qui a pris 2,3% du capital à travers le Fonds stratégique d'investissement, on arrive à la confusion actuelle.

Pour naviguer au milieu de ces écueils, un minimum de doigté aurait été nécessaire. Ce n'est pas le genre de la maison Valeo. Digne successeur d'un Noël Goutard qui régna sans partage sur le groupe de 1987 à 2000, Thierry Morin a toujours rechigné à se laisser imposer des décisions. Pas question, comme le réclamait Pardus, de céder la moitié de ses activités ou de reprendre des morceaux de l'américain Visteon, l'ex-filiale de Ford aujourd'hui en piteux état.

Voilà quelques années, quelques mois encore, salariés et pouvoirs publics auraient su gré à ce PDG, impopulaire mais droit dans ses bottes, de résister ainsi à des investisseurs animés surtout par l'appât du gain. Et de leur épargner les suppressions d'emplois que n'auraient pas manqué d'entraîner les cessions et acquisitions préconisées par les fonds. Aujourd'hui, tous se focalisent sur les deux ans de salaire versés à Thierry Morin, au terme de ses vingt années de services. Certes, ces 3,2 millions d'euros apparaissent démesurés face aux maigres indemnités touchées par des smicards de l'automobile licenciés sans autre forme de procès.

On comprend donc la ranc?ur des salariés. Ou celle des patrons de PME, qui se battent pour sauver leurs emplois sans le moindre espoir de parachute. Mais le gouvernement, lui, doit-il hurler avec les loups ? S'il ne supporte plus ce fric qu'il a si longtemps érigé en modèle, pourquoi concentre-t-il toutes ses attaques sur les patrons ? Pourquoi ne s'indigne-t-il pas aussi, par exemple, des 3,4 millions de salaire annuel du capitaine du PSG, un club de foot aux exploits très aléatoires ? Dans cette cacophonie, le nouveau conseil de Valeo martèle que Thierry Morin a rempli ses objectifs et que "le groupe n'a pas reçu d'aide de l'Etat".

Le voilà désormais au pied du mur : à lui de définir, sous la double tutelle des pouvoirs publics et du fonds Pardus, une stratégie adaptée à la crise? et qui, surtout, ne détruise pas d'emplois. Lourde tâche !