Mme Michu et les stock-options

Par flenglet@latribune.fr  |   |  425  mots
Par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune.

La publication du texte gouvernemental sur les rémunérations patronales sonne le glas de l'"autorégulation" prônée par le Medef depuis une quinzaine d'années. Le salaire des patrons ne sera plus leur affaire exclusive, ce qui permettra peut-être d'éviter les conflits d'intérêts et les dérives désastreuses pour l'image de l'entreprise et de ses dirigeants. C'est l'irruption d'un nouvel acteur qui a changé la donne, l'opinion publique.

Certes, madame Michu n'est pas le meilleur juge, en quelque matière que ce soit. Mais il faut bien constater qu'elle seule a réussi à stopper l'emballement des zéros en menaçant de son parapluie les dirigeants indélicats, là où les actionnaires et la "gouvernance" avaient échoué. Les faits sont là : il y a un seuil de tolérance pour les inégalités dans une société, et il varie suivant les époques.

En 2006, lors de l'affaire Zacharias, il avait fallu des dizaines de millions d'euros de plus-values, des bonus invraisemblables, une retraite royale et un hôtel particulier pour déclencher l'indignation. Aujourd'hui, Thierry Morin, congédié de chez Valeo, fait scandale avec 3 petits millions. En trois ans, le monde a changé au point de contraindre à légiférer un gouvernement de droite, réputé favorable aux entreprises, et un président qui passe ses vacances chez les milliardaires. Ironie de l'histoire, c'était Dominique Strauss-Kahn, lorsqu'il était ministre des Finances socialiste, qui avait réduit la fiscalité sur les stock-options à la fin des années 1990, pour stimuler la création d'entreprises innovantes !

Double contre-emploi. Par-delà la distinction entre gauche et droite, ce sont les circonstances politiques - l'opinion de madame Michu - qui sont déterminantes. Et qui poussent parfois à faire des bêtises. Le gouvernement va ainsi limiter les salaires des entreprises aidées par l'Etat, jusqu'à la fin de la crise. Louable souci. Mais comment attirer les compétences dans ces entreprises qui en ont grand besoin, si leurs concurrentes payent trois fois mieux ? Et n'y a-t-il pas un risque que les banques renâclent à solliciter l'aide de l'Etat et mettent ainsi en péril le système financier, si les rémunérations de leurs traders et dirigeants sont réduites ?

Un économiste français du XIXème siècle, Frédéric Bastiat, aimait à distinguer entre ce qui se voit, les effets de court terme d'une décision propre à satisfaire l'opinion publique, et ce qui ne se voit pas, ses conséquences silencieuses et regrettables sur le long terme.