Le mauvais procès de Xavier Bertrand

Par vsegond@latribune.fr  |   |  491  mots
Par Valérie Brunschwig-Segond, journaliste à La Tribune.

Le chef de l'UMP, Xavier Bertrand, a-t-il raison de s'indigner sur les ondes de la retraite chapeau de Daniel Bouton et de cinq autres mandataires sociaux de la Société Générale, en lançant tout de go : "Après l'affaire Kerviel et les stock-options... cela commence à faire beaucoup !" En jouant ainsi de l'amalgame entre attribution d'options au plus bas du marché et révélation d'une retraite chapeau accordée lors de son entrée dans la banque en 1991, il jette de l'huile sur le feu de la colère populaire.

Etait-ce bien nécessaire ? On peut certes comprendre l'émoi suscité par la découverte de cette forte rémunération différée, et longtemps masquée. Car, à la différence des parachutes dorés qui, sur le papier, compensent le fait que les mandataires sociaux n'ont pas droit aux Assedic, ces derniers ont bel et bien droit aux pensions du régime général et des régimes complémentaires.

Les retraites à prestations définies ont été conçues pour leur assurer un revenu compris entre 50% et 60% de leur dernière rémunération, alors que le régime obligatoire leur garantit des pensions maximales de 120.000 euros par an. Il s'agit donc bien d'une rente garantie. Si la pratique était naguère assez répandue pour les employés des assureurs, des banques, des compagnies pétrolières, des groupes chimiques et pharmaceutiques, elle a été arrêtée en raison de son coût prohibitif pour les entreprises. Mais elle a été réhabilitée dans les années 90 pour les dirigeants : la retraite à prestations définies est devenue un élément du package global au même titre que les stock-options, les bonus, les parachutes dorés, etc...

Au moment où les prestations des régimes obligatoires diminuaient, elle présentait plusieurs avantages, en particulier fiscaux et sociaux, pour leurs bénéficiaires. Que le salarié lambda s'en indigne, on peut le comprendre. Mais que l'ancien ministre du Travail fasse mine de découvrir une pratique ultra-répandue dans tous les états-majors, au moment même où elle a tendance à se moraliser, est suspect. Car, depuis la loi Fillon d'août 2003 sur les retraites, et la loi Breton d'août 2005, loi qui a rendu ces retraites chapeau publiques et qui les a soumises au vote des conventions réglementées en assemblée générale, les nouveaux régimes de retraites surcomplémentaires, qui ne sont plus accordés à un dirigeant isolé, s'inscrivent dans des limites visant à éviter les abus.

Tout se passe comme si le chef de l'UMP voulait donner des gages aux Français en colère en ignorant délibérément ce qui a été fait, pour ne surtout pas poser la question de fond : celle du niveau de rémunération des dirigeants d'entreprise, dont la raison d'être tient à l'extrême concentration du pouvoir dans l'entreprise.