Une migraine signée Bruxelles

Par sgherardi@latribune.fr  |   |  332  mots
Par Sophie Gherardi, directrice adjointe de la rédaction de La Tribune.

L'Union européenne a réussi à se faire détester des couches populaires dans chacun de ses vingt-sept pays membres, peu ou prou. Mais l'administration européenne parvient aussi, par petites touches, à se rendre antipathique au grand public, et jusque dans les élites les plus europhiles.

L'affaire du vin rosé est emblématique. Cette vinification particulière à la France pourrait bientôt être concurrencée par un produit rose obtenu en mélangeant du vin blanc et du vin rouge. Les migraineux apprécieront. Aux viticulteurs furieux du Midi, Bruxelles propose benoîtement d'ajouter une mention du genre "traditionnel" ou "authentique" pour se distinguer des imitateurs. A quoi ils répondent qu'ils n'ont, eux, rien à prouver, et qu'ils vivent très bien ainsi. Le ministre de l'Agriculture, Michel Barnier, jure de les défendre bec et ongles.

Le malaise qu'on éprouve devant cette affaire est - comment dire - feuilleté. Première couche : l'accablement. Pendant que nos pays fléchissent sous une crise économique sans précédent, voilà de quoi s'occupe l'UE. Deuxième couche : la suspicion. Une telle décision n'étant dictée ni par l'urgence ni par l'intérêt général, elle vient forcément de groupes de pression - et son exposition médiatique également. Troisième couche : l'incompréhension. Quelles sont les valeurs défendues ?

La qualité du produit, la traçabilité, la propriété intellectuelle (ou culturelle en l'occurrence) ne pèsent-elles rien, la concurrence doit-elle se faire uniquement par le bas ? En Italie, au même moment, c'est "l'orangeade sans oranges" qui fait les gros titres. Jusqu'à aujourd'hui, il fallait 12% de jus d'orange pour avoir droit à la dénomination. Après un vote du Sénat intégrant une directive européenne, ce seuil n'existe plus. Hurlements des producteurs d'oranges qui vont perdre un débouché de 120 millions de kilos par an. Et des nutritionnistes qui dénoncent la malbouffe.

En deux jours, deux grands pays braqués. Bravo, M. Barroso, continuez !