"Comment sortir de la crise" après le sommet ?

Par Edouard Tétreau, directeur de la recherche d'une société d'investissements à New York et auteur d'"Analyse au cœur de la folie financière" (Grasset, 2005). Il a participé aux travaux de l'Institut Montaigne sur la crise financière.

Bonne nouvelle?: demain, le sommet du G20 sera un succès. Essentiellement grâce à Barack Obama qui, "thank God", n'est pas Franklin Roosevelt. En 1933, ce président démocrate américain, élu en pleine crise mondiale, fut lui aussi invité à un sommet de coordination internationale à Londres, juste après sa prise de fonctions, en juin 1933. Et lassé d'entendre les doléances de puissances européennes subissant une crise financière, économique et monétaire née outre-Atlantique, M. Roosevelt, depuis son yacht, dicta à sa secrétaire embarquée, Lucy Rutherfurd, un télégramme expliquant qu'ayant trop à faire "at home" le sommet se passerait de sa présence. Cette décision fit le bonheur de Miss Lucy. Et le malheur du monde, qui sombra dans le protectionnisme, la dépression puis la guerre mondiale.

M. Obama, lui, joue le jeu de la coopération mondiale, malgré un agenda domestique terrifiant?: à bien des égards (niveaux de déficits rapportés au PIB, rythme de destructions d'emplois, population active bientôt à majorité féminine), l'économie américaine ressemble déjà à une économie de guerre. Cela dit, malgré la bonne volonté américaine, et quelques domaines où seront enregistrées de vraies avancées (lutte contre les paradis fiscaux, rôle et financement accru du FMI), on peut anticiper que le G20 fera l'impasse sur les trois vrais défis de cette crise, à savoir?: le désordre monétaire international, le retour fulgurant du protectionnisme, et la sous-capitalisation notoire de l'industrie financière mondiale.

Ainsi, entre 2.200 milliards (selon le FMI) et 3.600 (selon l'économiste Nouriel Roubini) de dollars de pertes financières ne sont toujours pas prises en compte aujourd'hui. Qui, dans l'économie privée, a les moyens de payer une telle facture, alors que plus de 27.000 milliards de dollars de valeur boursière sont partis en fumée depuis l'été 2007??

Dans un tel contexte, l'institut Montaigne a suscité un débat qu'il veut le plus large et le plus ouvert possible, pour identifier les solutions concrètes et pragmatiques, et non les thèses parfaites ou idéologiques, à cette crise du siècle. Nous l'avons fait en mettant à la disposition de l'exécutif français, avant le sommet du G20, une série de documents désormais en ligne et accessibles au grand public (www.institutmontaigne.org).

Autour de nos propositions, un débat a eu lieu le 30 mars dernier entre messieurs Claude Bébéar, Matthieu Pigasse et Henri Guaino. Voici ce qu'il en est ressorti. Primo, le niveau de tension dans nos économies et nos sociétés est devenu tel qu'il faut détendre les situations, et ce de façon urgente?: préparons-nous activement à rééchelonner les dettes des ménages, des entreprises et des Etats surendettés. Ne rien faire, les condamner à la faillite, est la voie la plus sûre et la plus rapide pour dérouler la séquence des années 1930 jusqu'à son terme - à savoir les guerres, civiles ou militaires.

Secundo, méfions-nous des catéchismes de marché. à force de refuser aux peuples et aux économies des protections raisonnables (il paraîtrait notamment légitime d'inclure dans les termes de l'échange les dettes cachées, sociales et écologiques telles que le travail des enfants, les émissions de CO2), la demande de protection et d'ordre deviendra déraisonnable?: 1933 vit l'arrivée au pouvoir de M. Roosevelt mais aussi d'Adolf Hitler.

Tertio, la priorité des priorités est de refaire circuler l'argent pour irriguer l'économie productive. Or, pour cela, il n'existe pas d'autre choix plus raisonnable ou plus économique aujourd'hui que de nationaliser temporairement, de façon coordonnée entre Etats du G20, les grands acteurs de l'industrie du crédit. Après Lehman, AIG, Madoff, Natixis etc..., la confiance dans les acteurs privés du système financier mondial a volé en éclats. Seuls les Etats ont aujourd'hui les capacités financières et la légitimité démocratique suffisantes pour se substituer à des acteurs défaillants.

Refuser l'idéologie, la pensée conforme ou circulaire?; choisir le pragmatisme, le débat sans anathèmes entre gens de droite, de gauche, du centre, entre fonctionnaires, banquiers, industriels et politiques, tel est le sens de notre démarche.

Ne ratons pas l'occasion d'une crise pour refonder ensemble un capitalisme non plus de financiers, mais d'entrepreneurs, au service de l'emploi et de la croissance partagée.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Pourquoi ce cher monsieur ne parle-t-il d?un troisième défi, celui de la réglementation de l?activité bancaire, en particulier, par exemple de tout ce qui concerne les titrisations ? Faire l?impasse là-dessus est insensé ! A-t-on trop peur de tuer la...

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