L'université sé tan nou, sé pa ta yo !

Par latribune.fr  |   |  433  mots
Par Sophie Gherardi, directrice adjointe de la rédaction de La Tribune.

La "coordination nationale des universités" appelle à la radicalisation du mouvement et à la désobéissance civile. Si l'on comprend bien, pour le volet radicalisation?: occupations, séquestrations, intimidations, déprédations - tout cela a déjà commencé ici ou là dans les universités françaises depuis trois mois. Et puis, pour le volet désobéissance, cette même organisation soutient les facs "qui décideraient la validation automatique du semestre pour les étudiants et l'obtention de la note nécessaire pour s'inscrire dans la formation de leur choix".

La coordination nationale des universités, disons-le tout net, a perdu la boule. Elle se prévaut d'une pseudo-légitimité démocratique puisqu'elle a été "mandatée" par des enseignants-chercheurs, des étudiants et des personnels de 51 universités, six établissements supérieurs type ENS et dix associations et syndicats. Démocratie sans corps électoral défini, sans pluralisme, sans liberté d'expression de l'opposition, sans mode d'élection transparent. Voyez quel qualificatif il convient d'appliquer à un tel régime.

La réforme de l'université vous déplaît, messieurs de la coordination?? Dommage, mais pas essentiel. L'université ne vous appartient pas (en créole?: sé pa ta yo). Elle appartient à la nation (sé tan nou). Celle-ci a le droit et le devoir de demander un meilleur service à ses fonctionnaires au bénéfice de tous ses enfants. Or, dans le capharnaüm qu'est l'enseignement supérieur français, efficace surtout dans la défense du statu quo, les enfants qui tirent le mieux leur épingle du jeu ne sont ni les gosses de riches, ni bien sûr les gosses de pauvres, ce sont les gosses de profs. Surreprésentés dans les classes préparatoires aux grandes écoles et les filières sélectives, ils peuvent travailler, eux.

Les malheureux étudiants des facs à qui l'on propose de valider leur semestre sans qu'ils aient eu de cours, sont l'habituelle chair à canon de la guérilla entre les enseignants et l'Etat. Leur diplôme est déjà peu considéré sur le marché du travail en temps ordinaire. Le dévaluer encore sous prétexte de "désobéissance civile", c'est l'assortir d'un bon d'accès à la galère.

Les parents des classes moyennes et populaires dont les impôts servent à payer cette répétition permanente du grand soir, le pays entier qui voit gaspiller ses ressources et l'avenir de ses jeunes, sont fondés à dire?: ça suffit?! La justice, l'école, l'hôpital traversent aussi l'épreuve des réformes. Ils ne cessent pas pour autant de juger, enseigner et soigner.