De l'utilité des simagrées

Par flenglet@latribune.fr  |   |  454  mots
Par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune.

Jean-Luc Hees, candidat pour diriger Radio France, a donc été adoubé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Les membres du CSA, pour émettre leur avis favorable, se sont fondés d'abord sur les mérites personnels de l'impétrant. Ensuite, sur le fait qu'il était le seul candidat. Et, enfin, sur un élément accessoire, qui a pu toutefois les aider à prendre cette décision difficile : Hees a été proposé par Nicolas Sarkozy. Pour connaître le nom du patron de la radio publique, il subsistera un suspense intenable : Sarkozy va-t-il nommer, oui ou non, celui qu'il a choisi pour occuper le poste ?

Ce n'est pas l'homme qui est ici en cause - Hees est un professionnel expérimenté - mais la procédure de nomination, héritée de la réforme votée en janvier dernier, qui fait du président de la république le seul décideur pour choisir les patrons de l'audiovisuel public. Les plus charitables s'indigneront que revienne le temps d'Alain Peyrefitte, qui fut "ministre de l'Information" du général de Gaulle et passait des coups de fil furibards à l'ORTF pour un adverbe imprudent.

Les autres observeront que cette réforme débouche sur un simulacre de procédure, décrédibilisant pour la personnalité choisie et pour le pouvoir politique qui en est à l'initiative. Et que la pluralité des sources d'information disponibles ne justifie pas que l'État traite ainsi son service public. Au contraire. La France avait peu à peu appris que l'Etat devait être encadré par des procédures et des règles, voire soumis à des autorités indépendantes, parce qu'il est lui aussi exposé au conflit d'intérêts, le pouvoir étant toujours tenté de privilégier ses amis, son camp politique, ses propres intérêts, au détriment de l'intérêt collectif.

Voilà la leçon précieuse du libéralisme, ces temps-ci, malmenée : l'Etat n'a pas le monopole de l'intérêt général. D'où la nécessité des institutions, qui protègent la société contre les dérives. On connaît les préventions de Sarkozy contre ces arguments. La légitimité suprême, c'est moi, répète-t-il, car j'ai été choisi par le peuple. Je peux donc réformer la justice, nommer un fonctionnaire à la tête d'une banque, ou désigner le patron de Radio France ou France Télévisions.

Le CSA, la Commission de déontologie, à quoi bon ces simagrées dispendieuses, puisque l'Etat, c'est moi ? Une suggestion. Pour les prochaines élections présidentielles, supprimons aussi les simagrées : un seul candidat. On économiserait ainsi du temps et des affiches. Et de la salive lors des repas de famille.