Un peu de "subprime" de poulet ?

Par flenglet@latribune.fr  |   |  430  mots
Par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune.

Bien sûr, on ne peut que se réjouir d'un retour à meilleure fortune de la part d'une banque. En ces temps de crise financière, toute bonne nouvelle pour la finance en est une pour l'économie dite réelle. La banque d'investissement américaine Goldman Sachs a annoncé hier des profits de 1,8 milliard de dollars pour le seul premier trimestre de l'année. Un chiffre qui prélude à d'autres résultats de la même eau, qui seront publiés dans les prochains jours par les cons?urs de Goldman, dont la situation s'est rétablie de façon spectaculaire durant les premiers mois de 2009.

Les banquiers de Wall Street, ragaillardis, vont donc épousseter leurs costumes à rayures et réinvestir la salle à manger du Ritz-Carlton. Au menu, "subprime" de poulet et autres joyeusetés culinaires propres à faire oublier la longue période de jeûne due aux centaines de milliards de pertes accumulées par la finance américaine en 2008. Goldman Sachs en a profité pour annoncer qu'elle allait rembourser par anticipation le Trésor américain de l'aide fédérale d'urgence, accordée au plus fort de la crise.

Si les cadors de Wall Street s'empressent de régler leurs dettes, ce n'est pas pour soulager le budget de l'Etat et ses quelque 12% de PIB de déficit prévus en 2009. Ce n'est pas davantage par esprit civique. Ils veulent quitter ainsi la tutelle fédérale, qui leur impose modération salariale et pénitence sur les notes de frais. Pas plus de 500.000 dollars par an de rémunération, et le train plutôt que le jet privé - quand on connaît les chemins de fer américains et leurs horaires fantaisistes, cette punition vaut largement la limitation des salaires.

En bref, la firme veut avoir la paix pour rémunérer ses dirigeants comme elle l'entend, et remettre en marche la machine à faire des bêtises au plus vite. Jamais le proverbe français "qui paye ses dettes s'enrichit", n'a trouvé meilleure illustration qu'ici. Ce pied de nez au gouvernement américain, à l'opinion publique et aux chefs d'Etat du G20 - n'avaient-ils pas ambitionné de moraliser les salaires de la finance ? - change complètement les termes de la "refonte du capitalisme mondial", pour reprendre les termes du président Sarkozy.

Réformer une finance malade, c'est long et coûteux, mais au moins les gouvernements peuvent-ils compter sur un rapport de force favorable. Dompter des banques à nouveau prospères, ce sera bien plus difficile, parce que moins nécessaire en apparence.