Crise de foi publique

Par Philippe Mabille, rédacteur en chef et éditorialiste à La Tribune.

Augustin de Romanet est devenu directeur général de la Caisse des dépôts un peu avant que Nicolas Sarkozy ne prenne d'assaut l'Elysée. Ce handicap de départ a longtemps été un lourd fardeau à porter par celui qui est contraint aujourd'hui d'annoncer les premières pertes de l'histoire de cette vénérable institution. En dépit de tous ses efforts pour banaliser l'événement, la perte pour "dépréciation d'actifs" annoncée, de 1,5 milliard d'euros, est un signal d'alarme pour l'opinion.

La CDC, c'est, depuis sa fondation en 1816, la foi publique, c'est-à-dire le garant que l'argent des Français est à l'abri de la puissance gouvernementale. Elle puise sa légitimité dans l'histoire, la Révolution et les guerres napoléoniennes ayant ruiné plusieurs générations. La mission première de la CDC, c'est de protéger les dépôts d'épargne (en particulier le livret A), ceux des notaires, les actifs de nombreuses caisses de retraite (dont le Fonds de réserve des retraites) contre toute mainmise par un pouvoir impécunieux.

C'est pour cela que son directeur général est un haut fonctionnaire doté d'une large indépendance et placé sous le contrôle d'une commission de surveillance issue du parlement devant qui il prête serment.

Ce modèle a été profondément troublé depuis la loi de modernisation de l'économie, qui a redéfini la CDC comme un "investisseur de long terme" qui "contribue, dans le respect de ses intérêts patrimoniaux, au développement des entreprises". Toute la nuance - et l'ambiguité - est dans ce bout de phrase : "respect de ses intérêts patrimoniaux". Avec la création du fonds stratégique d'investissement (FSI), cet objet bizarre qu'a toujours été la CDC voit la nature de ses relations avec l'exécutif se transformer.

Il est certes légitime qu'elle participe massivement au plan de relance de l'économie : c'est sa vocation. Mais elle ne peut pas décider ses investissements sur ordre de l'Elysée. Or, ses deux principales sources de pertes viennent de prises de participation imposées par l'Etat, dans Eiffage, pour sortir l'espagnol Sacyr du piège de l'OPA, et dans Dexia, au sauvetage duquel la vieille dame de la rue de Lille a été conviée cet automne. Les premières interventions du FSI dans Valeo, Daher et Heuliez sont sujettes au même soupçon d'intervention politique...

Alors oui, la CDC a apparemment fait moins de bêtises que les autres établissements financiers avant la crise. Mais elle risque d'être contrainte d'en faire plus que les autres pendant la crise. Sauf à imaginer que le directeur général de la Caisse des dépôts utilise son pouvoir de dire non. Le fait que ses poches soient désormais presque vides lui en fournira peut-être l'occasion.

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Pouvons-nous confier la gestion du livret A à une entreprise qui se lance dans des placements aventureux?

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Particulièrement intéressant. Je pense que le chef de l'Etat devra recourir à la planche à billets afin que les épargnants recouvrent leurs fonds -si la Banque Européenne est d'accord ? Quant au directeur général de la Caisse des dépôts il n'a pas l...

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