G20 : on prend les mêmes et on recommence...

Par Joseph Leddet est consultant financier et Jean-Luc Gréau économiste et auteur de "la Trahison des économistes" (Gallimard, 2008)  |   |  864  mots
l est ressorti, à l'évidence, du sommet de Londres, des points positifs. Mais il faut également émettre quelques réserves majeures face à un auto-satisfecit planétaire. Rien, tout d'abord, n'a été fait pour tenter de résorber les déséquilibres commerciaux mondiaux. Ensuite, la fragilité intrinsèque du système financier n'a été aucunement traitée. Enfin, la question des changes a été complètement éludée.

Les médias du monde entier ont été unanimes à souligner l'exceptionnelle réussite apparente de la réunion du G20 à Londres?; c'est ainsi que de grandes avancées ont été actées dans le sens d'un gouvernement économique mondial, destiné à enrayer cette crise économique et financière qui étend progressivement ses tentacules à l'ensemble de la planète.

Quelles mesures, en fait, ont été retenues?? Doper le budget du FMI et de la Banque mondiale pour aider les pays en difficulté?; pointer du doigt les États coupables de s'ériger en paradis fiscaux, et féliciter a contrario les pays fiscalement vertueux (notons à ce propos dans la liste des "mauvais" la Belgique et les Pays-Bas, et dans celle des "bons" les Barbades, Guernesey, Jersey, Malte et les îles Vierges, ce qui ne manque pas de sel)?; limiter les salaires excessifs des traders, considérés comme principaux responsables de la crise...

Mais cessons d'être ironiques?: il y a à l'évidence des points très positifs dans ce sommet, notamment en termes formels par le fait que les principaux pays du monde, en formation élargie, ont décidé de se rencontrer pour tenter de régler les problèmes internationaux du moment?; à cet égard, s'agissant du continent africain, la présence du président de l'Union africaine, ainsi que du président du Nepad, sont des signes clairs en faveur de l'appui collectif au développement de l'Afrique.

Toutefois, permettons-nous d'émettre quelques réserves majeures face à cet auto-satisfecit planétaire. Premièrement, la volonté de relancer le commerce mondial, qui subit une contraction violente depuis l'été dernier, se place dans un contexte de déséquilibres croissants entre les grands partenaires de ce commerce. Tandis que l'excédent chinois atteint 500 milliards de dollars en termes annuels, avec des réserves de change qui culminent au-delà des 2.000 milliards de dollars, les déficits américain et européen se maintiennent ou se creusent, l'excédent allemand fond comme neige au soleil et le Japon, si compétitif, est passé à présent dans le rouge?; en face des anciens pays développés, la Chine apparaît ainsi comme maîtresse du jeu?: les ressources nouvelles affectées au FMI lui permettront d'accroître encore ses exportations au détriment de ses clients de plus en plus endettés.

Deuxièmement, l'une des causes profondes de la crise, le dénouement cataclysmique de l'économie mondiale "madoffisée", faisant apparaître une production fictive entrant dans le PIB de pays tels que le Royaume Uni et les États-Unis, reste dans l'implicite?; l'idée sous-jacente retenue par le G20 est que ? passé cette pénible période de grippage ? le système va repartir comme avant?: "on prend les mêmes et on recommence". Plus concrètement, il nous semble que la faiblesse fondamentale de l'économie actuelle, à savoir un système "banque-assurance" mité, fragilisé et au bord du gouffre à cause de ses engagements irraisonnés (notamment via les CDS ou "Credit Default Swaps" d'un montant nominal total de 60.000 milliards de dollars), n'a aucunement été traité lors du sommet. Au contraire, en permettant le camouflage de la réalité par la suspension des règles comptables en vigueur, on a frayé de fait la voie à de nouvelles faillites provisoirement différées.

En pratique, une attitude responsable, à savoir la prise de contrôle immédiate et complète du système "banque-assurance" ? et ce sans y mettre un seul centime, car sa situation nette globale est négative ? par les États régaliens, nous apparaît comme la seule mesure juste et efficace pour éviter le naufrage de l'économie mondiale, en relançant ainsi, pour des raisons de salut public international, le marché des crédits interbancaires, dont le gel actuel asphyxie la vie économique. C'est d'ailleurs une telle mesure que le Trésor américain vient officiellement d'envisager, par la transformation temporaire des prêts publics au secteur bancaire en actions d'État, et ce sans aucun apport de cash supplémentaire. En complément, il conviendrait également de rétablir d'urgence le contrôle des changes dans tous les pays non dotés d'une très grande devise (Russie comprise), faute de quoi ? à vouloir continuer à suivre l'absurde principe de libre-circulation des capitaux érigé en dogme par le FMI ? ils finiront par rapidement mourir d'hémorragie financière...

De cela, il n'a pas été question à Londres. On est ainsi en droit de craindre que, dans les mois qui viennent, de grands établissements financiers sautent pour cause de défaut de liquidité, entraînant dans leur chute, par effet domino, l'ensemble du système bancaire, et provoquant ainsi un peu partout des désordres sociaux dans des populations désespérées par la disparition de leur argent. Nous souhaitons certes que ce sombre diagnostic soit démenti par les faits?; mais il est d'autant moins à écarter que les dirigeants salariés de banques, ainsi que les fonctionnaires à la tête du FMI et de la Banque mondiale, ô combien responsables de la crise financière actuelle, restent aujourd'hui plus que jamais aux commandes, avec une impunité paradoxalement renforcée par la crise?: merci le G20?!