Licenciés d'ici, décideurs d'ailleurs

Par flenglet@latribune.fr  |   |  399  mots
Par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune.

Tout comme les individus, les entreprises ont une nationalité. Appartenance culturelle, politique et fiscale, cette citoyenneté détermine en partie leur comportement et leurs actes de gestion. Un patron ferme les usines d'abord aux marches de l'empire industriel qu'il dirige, et non pas au c?ur, pour des raisons qui ne tiennent pas à la seule logique du profit. Ainsi, les suppressions d'emplois français chez Caterpillar, Molex et Continental, sociétés étrangères implantées en France, ont été décidées dans de lointains sièges sociaux, sans doute moins préoccupés des traumatismes qu'ils provoquent. On pourrait y voir de sourdes man?uvres de l'anti-France si... les entreprises françaises ne faisaient pas exactement la même chose. Hier encore, Bic et Nexans, deux entreprises bien de chez nous, ont annoncé de fortes suppressions d'emplois en dehors de France. Cette tendance à la "nationalisation" s'accroît en période de difficultés économiques, mais elle existe depuis toujours. Elle avait été oblitérée par la période de forte mondialisation que nous avons connue et les fantasmes sur la "multinationale", qui prétendait ne plus avoir d'autre objet que l'efficacité. Cette époque est révolue, probablement pour quelques années. À cause des pressions de la société, qui seront ? qui sont déjà ? relayées par le pouvoir politique.

Les investissements étrangers sont une bénédiction pour la France, mais ils sont plus volatils que l'argent investi par les entreprises nationales. Faut-il pour autant s'en priver ? Ce serait désastreux pour notre économie. Ils ont compté pour plus de 110 milliards d'euros en 2008, et ont contribué à maintenir ou créer quelque 32.000 emplois sur cette seule année. La France est, selon les époques, deuxième ou troisième destination de ces flux précieux, qui font tourner les moteurs de l'économie, notamment dans les régions. Si l'inconstance des entreprises étrangères est douloureuse dans les périodes de récession, elle nous profite au contraire lorsque l'optimisme revient. Durant les crises, c'est aux partenaires sociaux d'amortir le choc. Aujourd'hui, leur silence gêné et compassionnel devant les exactions des licenciés en colère signe l'incroyable atrophie du dialogue social en France. Et c'est à l'État d'intervenir, non pas en multipliant moulinets et professions de "volontarisme" qui ne sont pas suivies d'effet. Mais en travaillant à la reconversion des sites et à celle des hommes.