Informatique de l'Etat : le 1.001ème chantier stratégique

Par Bernard Molland, consultant en gouvernance du système d'information.

La révision générale des politiques publiques (RGPP) constitue une réforme de l'Etat sans précédent. Avec la crise, cette réforme doit être comprise comme une opportunité pour transformer la France en un pays moderne où l'innovation, l'efficacité et l'esprit d'entreprise deviendront les piliers de la solidarité nationale. Atteindre cet objectif passe par la réforme des structures actuelles qui ont la charge des systèmes informatiques des différents ministères afin de créer un système d'information moins coûteux, mieux intégré, mutualisé, cohérent, interopérable, agile et capable de déployer rapidement les nouvelles applications de la RGPP.

Le poste de directeur des services informatiques (DSI) dans l'administration est un poste occupé par des fonctionnaires issus des corps qui font carrière et qui passent par cette fonction sans en avoir ni la culture ni la compétence. Pour eux, faire carrière, c'est souvent ne pas vouloir décider devant la complexité. Les choix techniques sont alors laissés à des équipes non coordonnées qui ne collaborent pas entre elles. Cela explique les récents échecs qui ont coûté des centaines de millions d'euros à la nation et pour lesquels personne n'a été désigné comme responsable. Le rapport Attali propose de réformer les corps en créant la "ligne de métier informatique". Il conviendra de gérer cette population en la crossfertilisant avec celle du privé afin de maintenir sa compétence au meilleur niveau.

Cette population de DSI professionnels assumera les postes clés au sein des différents ministères qu'elle pilotera à partir d'une DSI centrale tout comme dans les grands groupes du privé. Cette DSI centrale sera en charge de définir et de faire vivre une gouvernance pour l'ensemble des ministères, considérés comme les "business units" du gouvernement.

Pourquoi ne pas mutualiser les ressources au sein de centres de compétence communs, les méthodes, les infrastructures, les centres de production, la sécurité, la gestion des accès, la bureautique, les applications transverses, l'usage des progiciels, des logiciels ouverts, la politique et le pilotage de l'externalisation ? Il y a au moins 1 milliard d'euros par an à économiser ! C'est l'objectif de cette gouvernance. La Cour des comptes et l'Inspection générale des finances en ont identifié le besoin dans le pilotage de Chorus, Hélios, ONP. Comment peut-on prétendre piloter de tels projets sans une gouvernance globale ? Le gouvernement n'est-il pas en recherche d'efficacité et d'économies ?

La mission de cette DSI centrale sera aussi de conseiller le gouvernement dans ses choix stratégiques concernant les NTIC. Il est urgent d'attribuer cette responsabilité à une équipe de professionnels qui assument et non plus à une technostructure, sans expérience métier, laissée à l'emprise d'un lobbying acharné des grands acteurs.

Cette gouvernance formalisera également la mission de cette DSI centrale qui sera tenue pour responsable du pilotage du système d'information de l'État et de ses grands projets. C'est elle qui assistera les secrétaires généraux des ministères dans leurs décisions concernant leurs systèmes informatiques. C'est la condition nécessaire pour construire un système d'information cohérent interopérable au service du citoyen.

Les différentes structures créées au cours des dernières années ont toutes été des échecs. La raison : aucune n'était pilotée par des professionnels de métier. Ce laxisme managérial donne raison au laisser-faire technique actuel qui accentue l'hétérogénéité des systèmes. Arrêtons de payer des consultants aussi prestigieux soient-ils pour produire des rapports. Le pays n'en a plus ni les moyens ni le temps. Sachant ce qu'il faut faire, nous devons avoir le courage de créer cette structure avec des professionnels expérimentés.

Une obligation pour faire des économies et pour réussir le déploiement de la RGPP.

De nombreux chantiers de la RGPP sont lancés. Leur déclinaison opérationnelle imposera le développement et le déploiement de nouvelles applications informatiques. Comment faire si les infrastructures informatiques, les méthodes et les équipes ne sont pas prêtes ? Allons-nous laisser chacun de nos ministères continuer de travailler en solo ? Comment continuer d'accepter que ceux qui, en poste, devraient faire puissent continuer à tout faire pour que rien ne puisse se faire de peur de mettre en cause leur autonomie, voire de confronter leurs compétences ! Les recommandations sont faites et il existe des hommes d'expérience qui sont prêts à s'investir.

La crise est une occasion pour moderniser en priorité les infrastructures informatiques de l'Etat. Le gâchis n'a que trop duré et ce chantier doit être déclaré comme prioritaire par le gouvernement. C'est une question de bon sens, d'efficacité, de responsabilité et de courage.

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Si j'ai bien lu, les fonctionnaires sont aussi nuls en informatique que dans la banque et l'industrie; dans ce cas, faisons appel au privé: fini la compétence "au concours"! Le privé s'occupant des affaires de l'Etat, ce serait l'Evolution et non une...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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réaction au commentaire d'henry : ne pas oublier que pour des projets de l'envergure de chorus, copernic ou hélios, l'état est assisté de cabinets de conseil majeurs et SSII, tels qu'accenture, ineum, stéria, bearingpoint et autres, dont la responsab...

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