Reviens, le 12 !

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Par Jean-Baptiste Jacquin, rédacteur en chef à La Tribune.

La nostalgie est souvent ringarde, toujours rétrograde. Mais là, trop c'est trop. L'ouverture à la concurrence il y a trois ans des services de renseignements téléphoniques en France nous a conduits à une situation totalement aberrante.

La concurrence a-t-elle fait baisser les prix ? Non. Ils ont même explosé. La hausse moyenne des tarifs sur trois ans est supérieure à 50%. L'agaçant et sympathique 118?218 ("toutouyoutou") a relevé son tarif de base de 62% (dernière hausse, le 1er avril 2009), sans compter les incontournables options. Incongru, alors que l'Insee vient de nous annoncer l'inflation la plus basse depuis 52 ans.

La concurrence a-t-elle amélioré la vie du consommateur ? Non. Demandez autour de vous ce qu'est le 12, tout le monde saura (nostalgie, quand tu nous tiens). Mais demandez un numéro de renseignements actuel, vous obtiendrez un "euh" perplexe.

La concurrence a-t-elle développé le marché avec des innovations ? Non, trois fois non. Avec un chiffre d'affaires qui baisse de 25% malgré des prix en hausse de 50%, la règle de trois est simple : grosso modo, il y a deux fois moins d'appels aux services de renseignements qu'il y a trois ans. Quel succès ! Une part de cet effondrement tient au développement d'un service concurrent : Internet et ses annuaires gratuits en ligne. Mais le Web n'explique pas tout.

Le consommateur français, pourtant réputé peu technophile, a montré ces dix dernières années combien il était prêt à endurer les pires déboires techniques (l'arrivée du dégroupage n'a pas été une partie de plaisir pour tout le monde) et disposé à ouvrir les cordons de sa bourse (en témoigne la hausse du budget télécoms des ménages) dès lors qu'il accédait à de nouveaux services qui lui apportaient quelque chose. Certains opérateurs de 118 s'alarment aujourd'hui des conséquences qu'aurait sur leur volume d'activité la mesure préconisée par Luc Chatel, secrétaire d'Etat à la Consommation, sur l'obligation de préciser le tarif au début de chaque communication. Il faut oser !

Ce scénario catastrophe, le gendarme des télécoms l'avait pressenti. Il avait choisi de conserver le 12, quitte à mettre en concurrence les sociétés qui l'opéreraient. Mais le Conseil d'Etat, qu'on a connu mieux éclairé, a décidé en juin 2004 que l'Arcep faisait fausse route et signé la mort du 12. Un beau gâchis.