Le Smic contre l'emploi

Par pmabille@latribune.fr  |   |  411  mots
Philippe Mabille, rédacteur en chef et éditorialiste à La Tribune.

Le Smic à 1.500 euros par mois en 2012 ! C'était la promesse de la candidate socialiste à l'élection présidentielle, à laquelle elle ne croyait pas elle-même, comme on le sut plus tard. Cette Ségolène Royal-là avait raison. Promettre à l'avance un niveau de salaire minimum est une illusion.

Certes, si le Smic avait continué à augmenter comme il l'a fait au cours des dernières années (3% par an, parfois plus du fait de la revalorisation imposée par le passage aux 35 heures), la barre symbolique des 1.500 euros (10.000 francs) aurait été atteinte. La promesse socialiste n'était donc en apparence pas si extraordinaire.

Mais c'était compter sans la crise, qui a complètement renversé les perspectives de hausse des prix. Le Smic augmentera donc très peu au 1er juillet, d'à peine plus de 1%. Mais, c'est une nouveauté, il sera à nouveau revalorisé six mois plus tard, puisqu'à compter de 2010, la hausse interviendra le 1er janvier. Quel que soit l'avis, consultatif, du comité d'experts chargé de le conseiller sur le sujet, le gouvernement n'accordera pas de coup de pouce cette année encore, au nom de la défense de l'emploi.

Malgré les allégements de charges, il reste en effet quelque 20% de cotisations patronales sur un Smic brut, ce qui signifie que toute hausse du salaire minimum se répercute immédiatement sur le coût du travail. Le Smic, c'est un condensé du meilleur comme du pire du modèle français. Le meilleur, parce qu'il empêche la mondialisation de provoquer une baisse des salaires les plus faibles. Et le pire, parce qu'il exclut du marché de l'emploi les jeunes et les moins qualifiés.

Avec un des salaires minimum les plus élevés d'Europe, la France a fait un choix politique mortifère à long terme. Il entraîne une smicardisation de la société (14% des salariés, 180.000 de plus qu'il y a un an) ; un écrasement par le bas de la hiérarchie des rémunérations, qui accentue le sentiment de déclassement de la majorité de la population ; et il oblige l'Etat à subventionner l'emploi, choix ruineux pour le budget (26,5 milliards d'euros d'allégements de charges par an) et de moins en moins efficace.

Il devient urgent de sortir de cette fuite en avant. On peut le faire, à condition de déconnecter durablement l'augmentation du Smic de celle du salaire médian et de compenser par l'attribution d'aides sociales indirectes, à l'image du revenu de solidarité active (RSA).