Quand les fraudeurs sont chocolat

Par flenglet@latribune.fr  |   |  384  mots
Par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune.

Avec la levée du secret bancaire, la Suisse sacrifie l'un de ses pôles d'excellence mondiale. Heureusement pour elle, il lui reste vaches, cloches et alpages aux pentes enneigées. A Paris, on embouche les trompettes de la victoire. Quelques semaines seulement après le G20, voici les premiers résultats concrets des décisions prises par le directoire mondial pour lutter contre la crise !

C'est vrai. A une nuance près : les paradis fiscaux n'ont rigoureusement rien à voir avec la crise financière. Si la fraude à l'impôt est répréhensible, elle n'est pas plus liée aux "subprimes" que les excès de vitesse sur la nationale 6, autres coupables activités que la collectivité se doit de sanctionner. Il est troublant de constater que la seule mesure à ce jour issue du G20 ne s'attaque pas aux causes du krach, mais vise à aider les Etats à boucler leurs fins de mois, alors qu'ils sont engagés dans le sauvetage économique le plus coûteux de l'histoire.

Les gouvernements ressemblent ici à des chirurgiens qui, le bistouri à peine posé, enverraient leur facture au patient convalescent. Cette aménité nouvelle de la Suisse vis-à-vis du fisc français fait suite à celle du Luxembourg, qui a signé avec la France une convention voisine il y a peu. D'autres accords suivront, avec d'autres paradis fiscaux.

En matière d'impôt, le vent est en train de changer, parce que la demande politique de nos sociétés a changé elle aussi. Désormais, on veut manger du riche. Si possible du riche fraudeur, car la chair en est plus délicate. Et cela, y compris aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, pays réputés tolérants avec les inégalités. Cette révolution va alourdir la note aussi pour les bons citoyens, qui ne fraudent pas.

Car les paradis fiscaux avaient leur utilité, dans le bestiaire de la vie économique, exactement comme les hyènes dans la jungle. Ils créaient une sorte de pression qui dissuadait les Etats d'augmenter trop fortement leurs impôts. C'est fini : nous allons tous passer à la casserole. Les amateurs de voyages en Suisse en seront réduits à se rabattre sur une autre spécialité helvètique, le chocolat, réconfort des neurasthéniques et providence des contribuables essorés.