Quand l'Etat insulte l'avenir

Par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune.

C'est un deuxième plan de relance, massif, que prépare le nouveau gouvernement avec l'emprunt national. Plusieurs dizaines de milliards d'euros vont être affectées aux "dépenses d'avenir", après une concertation destinée à identifier les priorités du pays. Passons sur la mort définitive de Maastricht. Il n'y a plus aucun espoir de retrouver des finances publiques saines avant longtemps, en partie à cause de la crise. Et ce nouvel emprunt ne fait jamais que charger une barque qui était déjà à fleur d'eau.

Reste la question à 50 milliards : qu'est-ce qu'une dépense d'avenir ? S'agit-il de construire de nouvelles prisons, comme le voudrait le secrétaire d'Etat Bockel ? De payer des indemnités de reconversion aux licenciés économiques, ainsi que l'a indiqué Henri Guaino, le conseiller du président ? Et pourquoi pas rénover les stades, afin de faire à notre jeunesse des mollets d'avenir ? Ou encore désherber les chemins de campagne ?

L'avenir a deux avantages : quand on le maltraite, il ne se défend pas. Et quand il se transforme en présent, ceux qui l'ont hypothéqué ne sont plus là. Faire parler les enfants à naître est encore plus facile que faire parler les morts, car on n'a même pas besoin de tables qui tournent. Que le lecteur pardonne cette incongruité, alors que la planète entière vomit désormais le libéralisme et ses abominations : l'Etat n'est pas plus clairvoyant que le secteur privé lorsqu'il s'agit d'investir sur le long terme.

Pour un programme nucléaire développé avec succès par la puissance publique, il y a dix exemples de ratages coûteux, du plan câble à Iter, en passant par le catastrophique "Informatique pour tous" de Laurent Fabius, qui s'appuyait sur un micro-ordinateur français destiné à conquérir la planète, le TO7 de Thomson : la politique industrielle est un interminable cimetière d'éléphants blancs. Qui peut établir avec certitude que les nanotechnologies sont plus fécondes pour la croissance que la baignoire inclinable motorisée, sinon le marché ?

Certes, les choix de l'Etat ne sont pas déterminés par le souci de la rentabilité. Mais c'est justement le problème. Et ils ne sont pas pour autant affranchis du court terme, car ils souffrent d'un autre biais, bien plus dangereux pour le contribuable, le calcul politique. Améliorer les chances de réélection de Nicolas Sarkozy en 2012, par exemple.

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Commentaires 11
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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A priori, les « plan câble » et « Informatique pour tous » furent des échecs. Toutefois, l'Etat peut compenser la parcimonie des fonds d'investissements en matière d'amorçage en France car justement, nous ne sommes pas aux Etats-unis. L'approche pour...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Bon éditorial ! Le problème de fond de nos sociétés (et en priorité les élites autoproclamées) est, me semble-t-il, qu'elles ne fonctionnent plus, à quelque niveau que ce soit, que comme si demain n'existait pas. Accumuler un maximum en un minimum d...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Désolé, mais mélanger industrie (plan cable) et recherche (Iter), passé (informatique pour tous) et futur (nanotechnologies) ne me parait pas très convainquant. Tout projet, toute vie, tout avenir est incertain : est ce une raison pour ne rien faire ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Merci à François Lenglet, ç'est bon de constater que le sens des réalités peut encore se manifester (dans un grand journal).

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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pas mal ce petit edito bien ecrit, plein d'humour et tranchant Je partage 100% du propos, mais il n'est plus dans l'air du temps de mettre en doute une politique industrielle étatique. La faute aux flambeurs de golden boys qui ont- en même temp...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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alors là : bravo , il y encore des gens qui disent ce qu'ils pensent !

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Certes",les dépenses d'avenir"se feront surtout pour favoriser les milieux politico-industriels qui ont soutenu N Sarkosy avant son élection,et particulièrement bien prospérés ensuite.....au niveau de leurs dirigeants.Mais trois points me paraisse...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Si je vais chez mon banquier et si je lui demande : "Je veux emprunter 50 mille ?", il va me demander "Pour quoi faire ?". Si je lui réponds "J'étudierai la question plus tard" croyez vous que le banquier m'accordera le crédit escompté ? Eh bien c'es...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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L'idée de débloquer des fonds et réfléchir à des priorités n'est pas sot, mais il y a tellement de dysfonctionnements à régler dans notre société actuelle ! Prenons le cas des prisons : il manque 330 000 places de prisons en France si l'on veut que l...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je partage le point de vue de visiteur. Faire état , au même niveau, du plan informatique pour tous (soit-disant un échec) et le programme nucléaire cela n'a guère de sens. Les objectifs, les moyens ,la nature des retombées sont totalement différent...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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si l'emprunt se révèle un succès c'est que la France bouge ou veut bouger. Alors pourquoi ne pas récidiver non pas sous la forme d'un deuxième emprunt mais par le lancement d'un super fonds d'investissement pour le financement de projets d'avenir à ...

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