La vraie reprise économique n'aura pas lieu de sitôt !

Un an après le début du plongeon des économies développées, dans le sillage de la crise immobilière américaine et de la débâcle bancaire en Occident, les gouvernements des pays touchés prennent le pari de la reprise, avec l'espoir manifeste que leur optimisme stimulera les anticipations favorables des agents économiques. Mais trois raisons nous empêchent de leur emboîter le pas.

Les gouvernements des pays touchés par la crise ont l'espoir que leur optimisme affiché stimulera les anticipations des agents économiques. Rien n'est moins sûr, et ce pour trois motifs. Le premier est que les paramètres de la conjoncture restent globalement négatifs à la fois au Japon, en Amérique du Nord et en Europe occidentale, malgré les plans de soutien étatiques. Le deuxième réside dans la défiance qui paralyse un marché crucial, le marché interbancaire, malgré les gigantesques injections de liquidités des banques centrales et le soutien des gouvernements au système bancaire. Le troisième est la détérioration progressive des marchés de la dette, publique comme privée, signalant que les prêteurs ne sont plus sûrs de la solvabilité de certains Trésors publics ni de celle d'entreprises de premier plan.

En effet, la récession en cours échappe à l'énoncé traditionnel. Tandis que la récession américaine de 2001 a procédé classiquement du surendettement des entreprises et de l'éclatement du marché des valeurs technologiques, la chute actuelle procède d'un surendettement dramatique des ménages et des entreprises dans différents pays. Elle s'accompagne de chutes vertigineuses de la production industrielle et d'entrées au chômage massives. Parallèlement, la sous-utilisation des capacités de production fait obstacle à la reprise de l'investissement.

Le tableau conjoncturel comporte deux autres facteurs négatifs négligés par les gouvernements. La forte croissance du chômage fragilise encore plus les ménages trop endettés. Dans le même sens, les banques opèrent une contraction progressive de leurs crédits : il n'existe pratiquement aucun pays occidental où les encours de crédits augmentent. Or le redressement de l'activité requiert un accroissement des prêts aux agents économiques, spécialement aux entreprises.

C'est dans cette optique qu'il faut considérer le deuxième motif qui pousse à la circonspection : le marché interbancaire, dramatiquement tari à partir du second semestre 2007, n'a pas retrouvé son rythme d'activité antérieure. Si les taux pratiqués se sont rapprochés de la normale, voire sont devenus incroyablement bas sous l'impulsion quotidienne des banques centrales, les montants quotidiens traités restent désespérément faibles : quelques centaines de milliards de dollars, au lieu de cinq mille milliards avant la crise. Au vu de l'ampleur des créances douteuses inscrites dans leurs comptes - titres hypothécaires, prêts aux secteurs sinistrés, CDO, CDS ou autres LBO -, les banquiers ne se font toujours pas confiance entre eux.

Or, le marché interbancaire est le plus important de la sphère financière. Il fonctionne comme l'ensemble c?ur-poumons qui oxygène le corps humain. Son arrêt prolongé serait fatidique. Il aurait été judicieux de remédier à ce tarissement en ordonnant la reprise de l'activité sur la base d'une garantie des échanges interbancaires par les Etats concernés. Etatisation ? Bien moins en tout cas que la solution retenue, qui a consisté à placer les banques sous la perfusion des Trésors publics et sous la tente à oxygène des banques centrales.

Ce faisant, le circuit primaire du crédit a été étatisé de facto, avec deux conséquences redoutables. Premièrement, le dérapage inouï des déficits et des dettes publiques, l'Etat étant devenu le premier emprunteur. Deuxièmement, le gonflement également inouï des créances acceptées par les banques centrales en contrepartie de l'argent frais qu'elles offrent aux banques commerciales.

Les actions récentes de la Réserve fédérale et de la Banque d'Angleterre qui se sont portées garantes d'une masse énorme d'obligations émises par les banques (à hauteur de 10% du PIB national !) le confirment, tout comme le rachat programmé des obligations publiques. Ces grandes institutions adoptent le parti de la création monétaire directe pour effacer une fraction de la dette privée et publique. Mais cela n'empêche pas la contraction du crédit, qui tend à étrangler financièrement des ménages et des entreprises affaiblis.

Troisième motif de circonspection, les gouvernements occidentaux doivent maintenant rassurer leurs propres prêteurs. Car les dettes publiques comme privées sont devenues suspectes aux yeux de plus en plus d'opérateurs. C'est ce qu'indiquent les graphiques mensuels élaborés conformément aux procédures de l'analyse technique, qui a déjà permis d'anticiper des événements passés tels que le krach obligataire de 1993-1994.

L'analyse technique sur laquelle nous nous appuyons (ATDMF) indique, depuis début mai 2009, un risque de forte détérioration des taux longs sur les obligations publiques américaines et européennes de dix ans de maturité. Si l'évolution constatée depuis deux mois se confirmait, nous connaîtrions un affaissement des marchés des emprunts publics, synonyme de rechute financière. Le second semestre 2009 s'avère risqué pour ces marchés. Même si l'hypothèse pessimiste ne se matérialise pas, il nous est interdit de tabler sur la reprise forte que tant d'augures officiels annoncent. La crise est là, et pour longtemps !

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Commentaires 3
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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On eût apprécié des analyses aussi fouillées, alarmistes et prémonitoires avant que n'éclatât la bulle des subprimes et des CDS. Les malheurs suscitent toujours des Cassandre. Mais quelle crédibilité doit-on accorder aux économistes? Beaucoup, dit-on...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je regrette que vous ne jugiez pas utile de publier les réactions de vos lecteurs alors même que vous les sollicitez à cet effet. Ca s'appelle de la censure.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Merci et bonne journée

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