Maurice, Raymond et la dette

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Par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune.

Au premier trimestre de l'année 2009, la dette publique française a augmenté de 1 milliard d'euros par jour : 86,5 milliards au total. Soit, sur trois petits mois, neuf fois le montant du scandale Madoff, ce gagne-petit qui a mis quarante ans pour creuser son trou. Soit, pour prendre une unité de mesure plus familière, la valeur de 5,7 millions de voitures Clio neuves, c'est-à-dire douze années de production de ce modèle Renault. Soit encore 17 milliards de sandwichs jambon-beurre achetés sur le zinc (avant la baisse de TVA qui intervient aujourd'hui), c'est-à-dire de quoi faire 127.000 fois le tour de la terre si on les met bout à bout.

Et ces chiffres sont antérieurs à l'intervention de Nicolas Sarkozy devant le Congrès. Ce 22 juin, le président a battu un nouveau record. Il a fait grimper la dette de plusieurs dizaines de milliards en quelques secondes. Le temps de prononcer trois mots, "un emprunt pour les dépenses d'avenir". Le silence est d'or, la parole est d'argent : cela n'a jamais été aussi vrai que depuis que Nicolas Sarkozy est à l'Elysée. Bien sûr, il n'y a pas de risque de faillite pour la France. Pas plus qu'il n'y avait de risque, il y a dix-huit mois, de faillite bancaire, de crise financière et de paralysie des marchés de l'argent.

Comme à l'habitude, les experts font tourner la machine à billevesées pour produire des opinions qui maltraitent à la fois le bon sens et le passé. L'histoire est ponctuée de faillites d'Etat retentissantes, à toutes les époques. La faillite est même la principale technique de gestion publique. Avec, soyons honnêtes, sa variante civilisée, le paiement des créanciers en monnaie de singe, grâce à l'inflation. Une technique dont la France a fait une spécialité mondiale, en lui trouvant un nom : l'"euthanasie des rentiers".

L'avenir est donc assez simple à prévoir. Il va ressembler à cette petite histoire. Un soir, Maurice se tourne et se retourne dans son lit, très angoissé. Il finit par avouer à sa femme qu'il doit 100.000 euros à son voisin, et qu'il ne sait pas comment le rembourser. Sa femme se lève, ouvre la fenêtre, et hurle au voisin : "Raymond, tes 100.000 euros, on ne te les remboursera jamais !" Elle se recouche, et dit à son mari : "maintenant, tu peux dormir tranquille. C'est lui qui ne peut plus fermer l'?il."

Avis aux créanciers de l'Etat français : un jour ou l'autre, vous ferez connaissance avec madame Eric Woerth, la femme du ministre des Comptes publics.